Les sénateurs ont rendu un verdict sévère sur le Fonds Marianne, une initiative financière mise en place suite à la mort tragique de Samuel Paty, avec l’objectif de soutenir la promotion de la laïcité. Marlène Schiappa, qui de son côté insiste sur le fait qu’elle n’a pas participé à cet égard. « Il est évidemment clair qu’elle s’est impliquée. C’est totalement confirmé « , a déclaré vendredi l’avocate représentant la famille de Samuel Paty.
Déclaration inacceptable devant une commission, en particulier en tant que ministre
C’est ce que Maître Virginie Le Roy, l’avocate de la famille de Samuel Paty, a fait savoir le vendredi 7 juillet, alors que Marlène Schiappa subit une vive critique par la Commission d’enquête du Sénat concernant sa gestion du Fonds Marianne. Ce fond avait été créé deux ans auparavant pour financer des répliques à l’islamisme radical après l’assassinat de Samuel Paty.
Le rapport de la commission évoque des mots impitoyables comme « erreur grossière », « manque de sérieux », « manque de transparence »… « On a tiré parti de l’assassinat de Samuel Paty à des fins politiques », a reproché l’avocate. Marlène Schiappa a soutenu devant la commission qu’elle n’avait pas eu de rôle dans la sélection des associations éligibles aux subventions. « C’est certain qu’elle a joué un rôle. C’est totalement prouvé », a affirmé maître Virginie Le Roy.
franceinfo : Quelle est votre opinion sur le rapport de la commission du Sénat ?
Maître Virginie Le Roy :
C’est un sentiment d’accablement qui m’envahit. Très tôt, j’ai écrit à Marlène Schiappa pour avoir des éclaircissements, mais en réponse, j’ai hélas obtenu du baratin sans aucune substance. J’ai suivi attentivement les travaux de la commission. Le rapport reflète bien ce que nous avons découvert, à savoir des justifications pauvres et sans substance. De plus, elle adopte une position décevante puisqu’elle évite d’assumer ses responsabilités. Les termes utilisés par la commission sont extrêmement sévères : « manque de transparence », « amateurisme », etc. Les travaux ont été jugés comme dérisoires, notamment pour certaines des associations mentionnées. La conclusion que nous pouvons tirer est que l’assassinat de Samuel Paty a été exploitée à des fins politiques, ce qui est extrêmement grave.
Croyez-vous que le décès de Samuel Paty a été politiquement exploité dans cette affaire ?
C’est en effet la seule conclusion que l’on peut tirer, elle a bien sûr été exploitée. Je me souviens de Marlène Schiappa annonçant lors de la matinée de BFMTV par une campagne de communication forte, la création de ce fond. Nous avions bien sûr salué cette initiative, car des actions dans cette direction sont indispensables. La mort de Samuel Paty est un véritable désastre. Il faut agir, mais pas de cette manière.
Est-ce parce que ce fonds Marianne n’a pas eu les résultats escomptés que vous pensez qu’il y a eu exploitation?
L’initiative de départ était bien sûr bénéfique, mais on ne peut pas dire qu’elle était sincère. En revanche, très vite, nous avons réalisé qu’en réalité, il s’agissait d’une exploitation à des fins personnelles ou politiques et qu’il n’y avait pas réellement de travaux solides et sérieux. Quand on examine les supports fournis par Mohamed Sifaoui pour ne citer que lui, c’est déplorable. Il n’y a aucune substance. Ce sont des vidéos de 30 secondes à une minute vide de contenu.
Le rapport du Sénat indique que Marlène Schiappa et son cabinet ont joué un rôle déterminant dans le choix des associations. Pourtant, la ministre a affirmé le contraire. Y a-t-il une contradiction?
Oui, sans aucun doute. Mais de toute façon, les sénateurs n’ont pas été trompés. Des documents échangés montrent clairement l’intervention de Marlène Schiappa avant même la mise en place du projet et du processus de sélection. Donc, elle a bel et bien joué un rôle, c’est une certitude.
Devrait-elle être poursuivie en justice pour avoir menti devant la commission ?
Ce n’est pas à moi de le dire. On verra. Je pense que son attitude est inacceptable. Mentir devant une commission, surtout en étant ministre, n’est pas acceptable. Les autorités compétentes détermineront les suites à donner. Elle a été prise en flagrant délit. Toute personne qui a suivi les travaux de la commission a pu observer son malaise.
Le Parquet national financier a ouvert début mai une enquête judiciaire pour des allégations, notamment de détournement de fonds publics. Qu’attendez-vous de cette procédure ?
J’espère qu’on approfondira les investigations. Il y a cette question du détournement de fonds publics, mais aussi une suspicion de favoritisme. Nous devons aller plus loin. C’est un exemple. C’est regrettable, consternant et nuisible également dans la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Nous devons en faire un exemple pour éviter que cela ne se reproduise. La suite judiciaire est une suite logique. Les juges d’instruction devront aller jusqu’au bout.