Des militants français ont appelé le gouvernement à accorder systématiquement l’asile aux femmes et aux filles fuyant les talibans en Afghanistan, après l’arrivée du premier groupe entièrement féminin d’évacués à Paris. La France a envoyé cinq femmes par avion cette semaine pour demander le statut de réfugié, mais des milliers d’autres cherchent toujours un refuge sûr.
Les cinq femmes, accompagnées de trois de leurs enfants, ont atterri lundi à l’aéroport Charles de Gaulle à bord d’un vol en provenance du Pakistan, où elles avaient fui avant de chercher un refuge permanent.
Avant de s’exiler, ils ont travaillé comme universitaires, journalistes, enseignants ou consultants pour des ONG.
« En Afghanistan, nous n’avions ni le droit d’étudier ni de travailler. Tous les progrès que nous avions réalisés au cours des 20 dernières années se sont terminés en une nuit », a déclaré Naveen Hashim, chercheur en socioéconomie qui a conseillé le gouvernement afghan avant le renversement des combattants talibans. il en août 2021.
Les talibans ont menacé de la tuer, et les menaces ont continué une fois qu’elle a atteint le Pakistan, a déclaré Hashim à 42mag.fr à l’aéroport.
« Il y avait de l’incertitude, nous n’avions pas d’espoir, pas d’avenir, pas de projet… Je suis sûr que j’aurai beaucoup d’opportunités en France. Alors je vais commencer ma vie, je vais commencer mon travail ici. Et je Je suis heureux parce que je suis libre ici. »
Les réfugiés dans le flou
Plus de 1,6 million de personnes ont fui l’Afghanistan au cours des deux dernières années, dont des milliers de femmes et de filles privées de leurs droits fondamentaux en raison de la politique des talibans.
La plupart restent dans l’incertitude en Iran et au Pakistan voisins, où respectivement un million et 600 000 Afghans ont fui, selon les Nations Unies.
La France a reçu quelque 39 000 demandes d’asile de ressortissants afghans entre 2021 et mi-2023.
Rien que l’année dernière, plus de 17 000 Afghans ont demandé l’asile en France, dont environ 23 pour cent de femmes, selon les chiffres de l’Office français pour les réfugiés Ofpra. Environ 11 600 personnes ont obtenu le statut de réfugié.
Mais ceux qui espèrent demander l’asile en France doivent d’abord s’y rendre pour déposer leur demande, ce qui implique d’obtenir un visa auprès d’un consulat français.
Jusqu’à présent, le processus s’est révélé lent. Les femmes arrivées cette semaine sont parmi les premières à obtenir des papiers des autorités françaises au Pakistan.
« Politique d’asile féministe »
Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, affirme que la France s’efforce de faire venir les femmes menacées par les talibans parce qu’elles occupaient des postes importants dans la société afghane ou entretenaient des contacts étroits avec des Occidentaux.
Des ponts aériens comme celui de cette semaine sont « susceptibles d’être répétés » pour d’autres femmes afghanes au Pakistan qui correspondent à ce profil, a-t-il déclaré à l’AFP.
Les autorités françaises au Pakistan semblent désormais traiter en priorité le cas des femmes afghanes, selon Solène Chalvon Fioriti, cofondatrice d’Accueillir les Afghanes. L’ONG spécialisée dans l’asile, qui a participé aux efforts visant à faire venir le groupe de cinq en France cette semaine, s’était déjà plainte de l’inaction du gouvernement français.
Mais il n’est pas encore clair si le changement est « plus que symbolique », a déclaré Chalvon Fioriti à Jelena Tomic de 42mag.fr.
« Il y a beaucoup de filles seules, beaucoup d’étudiantes – notre groupe à lui seul en a enregistré plusieurs centaines. Nous espérons donc qu’aujourd’hui soit le début d’une véritable politique d’asile féministe qui accueille les femmes afghanes sur la seule base de leur sexe. »
Route sûre vers la France
Jusqu’à présent, la Suède, la Finlande et le Danemark sont les seuls pays de l’UE à déclarer qu’ils accorderont le statut de réfugié aux femmes et aux filles afghanes sur la seule base de leur sexe.
« Nous pensons que la situation des femmes en Afghanistan entraîne une violation de leurs droits humains fondamentaux, au point qu’elle doit être considérée comme une persécution », a déclaré Carl Bexelius, directeur des affaires juridiques à l’Office suédois des migrations, lorsque la Suède est devenue la première à adopter la politique en décembre 2022.
Mais même si la France devait emboîter le pas, le problème demeurerait de savoir comment arriver dans le pays pour demander l’asile.
France Terre d’Asile, une ONG qui propose hébergement et services aux demandeurs d’asile afghans, demande qu’une procédure officielle soit mise en place pour offrir des itinéraires sûrs aux femmes déplacées pour rejoindre la France.
« Il est très clair qu’il nous faut maintenant un engagement formel des autorités qui aille plus loin que l’accueil de quelques femmes », a déclaré à 42mag.fr la responsable de l’association, Delphine Rouilleault.
Soulignant la situation précaire à laquelle sont confrontées les femmes réfugiées au Pakistan, elle a exhorté la France à mettre en place un système pour accompagner les femmes afghanes tout au long du processus d’obtention d’un visa au Pakistan jusqu’à la reconstruction de leur vie en France.
La journaliste Nasrin Shirzad a fui l’Afghanistan pour le Pakistan avec sa famille il y a plus d’un an et n’a pas encore obtenu le statut de réfugié.
« Nous ne pourrons jamais rester ici car mes enfants n’ont pas accès à l’éducation », a-t-elle déclaré à la correspondante de 42mag.fr, Sonia Ghezali. « Nous n’avons pas le droit de les envoyer à l’école. Nous ne pouvons pas non plus travailler, donc nous n’avons aucun revenu ici. »
Shirzad a demandé un visa français, dit-elle – jusqu’à présent sans réponse.