Le coup d’envoi du festival du cinéma américain de Deauville est programmé pour le vendredi 1er septembre, dans un environnement naturellement singulier. À l’autre extrémité de l’Atlantique, tout le secteur hollywoodien est paralysé. Les grévistes restent intraitables après un arrêt de travail qui dure déjà quatre mois.
Face aux studios Universal à Los Angeles, un rassemblement souriant s’organise, animé par un DJ. Les grévistes paraissent éprouvés, mais ils ne le laissent pas transparaître. D’après un sondage Gallup révélé mercredi 30 août, leur cause est appuyée par 72% des citoyens américains. Ce mouvement de grève, initié le 1er mai par les scénaristes et ensuite rejoint le 14 juillet par les acteurs, suscite donc un large soutien. Pour des grévistes comme Andrea Thornton-Bolden, ce chiffre est l’élan qui leur permet de tenir bon. « Notre détermination à manifester est intacte, malgré la lourdeur de la tâche », confie-t-elle, « C’est une chaleur accablante ! Savoir que de nombreux téléspectateurs pensent que notre rémunération n’est pas à la hauteur de notre travail, cela redouble notre énergie. »
J. Holtham, qui a contribué à des œuvres telles que La servante écarlate et Jessica Jones, ne s’attendait pas à ce que le conflit se prolonge autant. « C’est aujourd’hui notre 126e jour de grève, si je ne m’abuse. C’est énorme ! Nous en sommes à un stade où les studios sont en train de mettre en danger leur saison télévisuelle ». Car, à présent, il y a presque plus aucun tournage en cours à Hollywood.
« Les studios vont devoir trancher s’ils sont prêts à mettre en jeu une année de bénéfices pour nous dérober 2% de ceux-ci. Je ne comprends pas cette politique d’épargne de miettes. »
J. Holtham, auteur scénariste américainà 42mag.fr
J. Holtham survit grâce à ses économies et les revenus qu’il tire des droits de ses anciennes séries. Certains comparses bénéficient de l’aide des syndicats ou complètent leurs revenus avec de petits travaux. Des personnalités comme Meryl Streep ou George Clooney ont offert des dons d’envergure et les hôtes des talk-shows du soir les plus appréciés ont créé un podcast dont les bénéfices sont destinés aux grévistes.
Le dramaturge Cheech Manohar adresse un message aux studios. « En raison du système que cette grève conteste, les scénaristes étaient déjà sous-payés avant et contraints de surveiller leur budget ou de chercher des petits jobs même lorsqu’ils étaient engagés sur une série. Donc, pour bon nombre d’entre nous, être en grève ne change pas grand-chose financièrement ».
Les pourparlers avec les scénaristes ont recommencé mi-août, sans afficher de véritables progrès. Les acteurs, en grève depuis 50 jours, sont toujours en attente. Cependant, selon Justin Shaw, le temps est en leur faveur.
« Pour le moment, rien n’a évolué significativement dans le monde de la télévision. Cependant, d’ici un mois ou deux, un individu va rentrer chez lui après le travail et réaliser qu’il n’y a plus de nouveaux épisodes de ‘New York Police Judiciaire’. »
Justin Shaw, acteurà 42mag.fr
« À ce moment-là, cet individu va protester en disant : ‘Ma vie est déplorable, mais cette série me fait du bien. Je veux retrouver ma série !’. Et c’est à ce moment-là que les choses commenceront à se mettre en mouvement », pronostique l‘acteur.
Les professionnels demandent principalement une meilleure rémunération de la part des plateformes de streaming et une protection plus efficace contre l’intelligence artificielle. De leur côté, les producteurs ont récemment recruté une nouvelle équipe de chargés de presse pour diffuser leur message auprès du public.
Conséquence indirecte de cette situation : Le festival de cinéma américain de Deauville, qui s’ouvre le 1er septembre, ne bénéficiera d’aucune présence d’acteurs, interdits de promotion. Par exemple, Natalie Portman, qui devait être célébrée lors du festival, ne se rendra pas en Normandie.