Le gouvernement français a lancé cette semaine une campagne nationale de sensibilisation aux violences sexuelles contre les enfants. Ce message brutal est le premier à faire spécifiquement référence à l’inceste, qui a longtemps été un sujet tabou dans le débat public.
Des messages et des vidéos seront publiés sur les réseaux sociaux et placés dans les journaux, sur des panneaux d’affichage et dans les cinémas. Une campagne télévisée sera diffusée à la mi-temps d’un match de la France lors de la Coupe du monde de rugby en cours.
Il comprend une vidéo d’une jeune fille décrivant que son agresseur lui a dit de garder « notre petit secret ».
Charlotte Caubel, la secrétaire d’État chargée de l’enfance, a déclaré qu’elle souhaitait un message percutant comme ceux utilisés pour prévenir les décès sur les routes – un message qui « frapperait nos concitoyens dans le ventre ».
« C’est la première fois que le gouvernement utilise le mot ‘inceste’ dans une campagne, la première fois qu’il évoque les violences sexuelles au sein des familles », a-t-elle déclaré à l’AFP.
« Le combat de tout le monde »
On estime que 160 000 enfants sont victimes d’abus sexuels chaque année en France, tandis que les associations affirment qu’un adulte sur dix en France a été victime d’inceste.
« Cela signifie que vous rencontrez chaque jour des personnes qui ont été victimes d’inceste ou qui ont commis l’inceste », a déclaré Caubel.
D’ici la fin de la campagne, « personne ne pourra dire ‘je ne savais pas' », a-t-elle déclaré : « Cela doit devenir le combat de tous ».
Toutes les trois minutes, un enfant est victime de viol, d’inceste ou d’agression sexuelle.⁰Autour de vous, sans le savoir, vous connaissez des enfants victimes, vous connaissez des adultes auteurs. #BrisonsLeSilencepartagez cette campagne et appelez le 119 au moindre doute. pic.twitter.com/DYljC8WhvT
– Charlotte Caubel (@CharlotteCaubel) 12 septembre 2023
En France, l’inceste – défini comme les relations sexuelles d’une personne avec un parent, un enfant, un grand-parent, un petit-enfant, un frère ou une demi-sœur – est légal dès lors qu’il se produit entre adultes consentants.
Mais en cas de viol ou d’abus sexuel commis sur un mineur, les tribunaux prolongent généralement les peines de prison si l’agression était également incestueuse.
Briser le silence
Plusieurs cinéastes, écrivains et acteurs français se sont récemment prononcés contre ce qu’ils considèrent comme un tabou en France, où l’inceste est souvent considéré comme une affaire privée et familiale.
L’actrice française bien connue Emmanuelle Beart a été victime d’inceste lorsqu’elle était enfant, a-t-elle révélé dans un documentaire diffusé sur la chaîne française M6 plus tard ce mois-ci.
Béart n’identifie pas son agresseur dans le documentaire intitulé « Un Silence Si Bruyant » (« Un silence si retentissant »), qui comprend également les récits de quatre autres victimes d’inceste.
Une volonté de briser le silence autour de l’inceste a gagné du terrain en 2021, déclenchée en partie par la publication d’un mémoire explosif de l’avocate Camille Kouchner dans lequel elle accusait son beau-père, l’éminent intellectuel français Olivier Duhamel, d’avoir violé son frère jumeau alors qu’ils étaient adolescents.
La Commission indépendante sur l’inceste et les abus sexuels sur enfants (Ciivise) a été créée cette année-là pour formuler des politiques susceptibles de mieux protéger les enfants.
Après avoir interrogé 11 400 victimes et 40 experts, il formule plusieurs recommandations pour instaurer une « culture de protection » en France, notamment des mécanismes spécifiques permettant aux médecins de signaler les signes avant-coureurs, l’obligation pour les juges de regarder les enregistrements des témoignages des victimes plutôt que de lire les transcriptions, et une meilleure soutien psychologique aux victimes.
« Problème public »
Edouard Durand, juge et coprésident de Ciivise, a qualifié la nouvelle campagne du gouvernement de « courageuse » et l’a félicitée de ne pas minimiser la souffrance.
Il est « crucial que, dans cette campagne, le gouvernement dise que l’inceste existe et que c’est un problème public et non privé », a-t-il déclaré à l’AFP.
Le gouvernement français a annoncé qu’il augmenterait le financement des groupes venant en aide aux enfants maltraités.
Le Parlement a également commencé à examiner un projet de loi qui priverait toute personne reconnue coupable d’abus sur son enfant de son autorité parentale.