Jean-Pierre Elkabach a eu l’occasion de rencontrer de nombreuses personnalités politiques, dont François Mitterrand. L’interrelation entre le journaliste et le chef d’État socialiste peut être qualifiée de compliquée.
« François Mitterrand accède à la présidence de la République… » Le 10 mai 1981 à 20h, c’est la phrase que Jean-Pierre Elkabbach prononce à la télévision, annonçant ainsi les résultats du second tour des élections présidentielles. Il ne manque pas de réaliser que son avenir immédiat risque d’être délicat. La même nuit, à la place de la Bastille à Paris, les partisans de François Mitterrand demandent le licenciement du reporter d’Antenne 2, qui deviendra plus tard France 2.
On tenait Jean-Pierre Elkabbach pour être proche de l’ancienne administration giscardienne, il a été écarté et reste sans emploi durant plusieurs mois. Néanmoins, il retrouve rapidement une position à Europe 1, grâce à l’intervention inattendue… de François Mitterrand, selon ses propres dires.
« Un certain degré d’indépendance »
C’est donc par une réintégration discrète en 1983, grâce à l’émission de radio quotidienne « Découvertes », qu’il assure chaque après-midi, qu’il va graduellement regagner en notoriété… jusqu’à recevoir le président de la République en personne. C’est bel et bien sous le régime socialiste que Jean-Pierre Elkabbach entame son retour en force : « Je suis honoré de symboliser progressivement, après les critiques justifiées ou pas selon les circonstances, maintenant une sorte de pluralisme et d’indépendance. »
Les trajectoires de ces deux hommes sont manifestement entrelacées : que Jean-Pierre Elkabbach soit à la tête d’Europe 1 ou ensuite de France Télévisions dans les années 1990, il visite régulièrement François Mitterrand, principalement durant le week-end. Les deux hommes discutent beaucoup de la mort, alors que le président est en lutte contre un cancer.
Entretiens détaillés et sans compromis avec le chef d’État
En 1993, François Mitterrand désigne naturellement le journaliste pour conduire une série d’entretiens détaillés en tête-à-tête filmés pendant plus d’une année. Jean-Pierre Elkabbach l’interroge en particulier sur son passé pendant l’Occupation, sur son rôle dans l’administration du régime de Vichy : « Vous êtes allé à Vichy ? Pourquoi ? Alors qu’il y avait le gouvernement de capitulation et les lois anti-juives, vous êtes allé à Vichy? Pourquoi ne pas être allé à Londres ou à Alger, je vous pose la question ». A cela, le président répond : « En ce qui concerne les lois antijuives, ce qui ne dédouane en rien et ne pardonne rien, c’était une législation visant les juifs étrangers, dont je n’étais pas informé. »
Il y a ensuite ces questions à propos de son mal, auxquelles François Mitterrand répondra sans rien dissimuler : « Jusqu’à présent, je n’ai été empêché de rien. Je n’ai acquis aucun complexe ni de sentiment d’incapacité. A l’état où je suis, cela devrait encore durer quelques temps », déclare le président. « Si la souffrance est telle qu’elle pèse sur moi au point que je mets mon cas avant les devoirs de l’État, c’est clair, je dois partir. L’accomplissement de mon mandat est une obligation que j’ai contractée quand j’ai demandé aux Français de m’élire, ce qu’ils ont fait pour sept ans », ajoute-t-il.
Le 8 janvier 1996, François Mitterrand décède dans son appartement à Paris. Jean-Pierre Elkabbach relate qu’il sera l’un des rares journalistes invités à rendre hommage, face au corps de cet homme qui aura marqué une partie de sa carrière professionnelle. Dans son autobiographie « Les rives de la mémoire », publiée en 2022, Jean-Pierre Elkabbach écrit : « J’étais censé questionner le président sans me laisser impressionner et être à la hauteur des attentes des Français. »