La mise en location d’appartements meublés destinés au tourisme, un domaine qui connait une croissance phénoménale et offre des retours sur investissement attractifs, profite également d’un avantage fiscal… face auquel le gouvernement assure vouloir agir depuis un certain temps. Ceci est tiré d’un reportage de « Complément d’enquête » sur Airbnb, le site qui est particulièrement habile à protéger ses propres bénéfices.
Un membre de la direction de l’Économie exprimait son incompréhension en juin dernier, remettant en cause les importantes remises fiscales accordées aujourd’hui à Airbnb. « Nous allons reformuler cette structure fiscale, et je vais soumettre des propositions », promettait Bruno Le Maire lors d’une interview sur BFMTV.
Ce sont les propriétaires d’habitations destinées à la location touristique, mises en location via des sites tels qu’Airbnb, qui profitent actuellement d’une importante réduction fiscale – une des plus généreuses en France : -71%, comparé à -30% seulement pour les revenus issus de locations traditionnelles de longue durée. En 2022, un rapport interministériel proposait déjà de réviser ce mécanisme. Les trois derniers ministres du Logement ont également pris des mesures de promotion multiples, sans pour autant modifier cette fiscalité. Et le gouvernement actuel n’a pas davantage agi, malgré ses engagements répétés…
Un lobbying extrêmement efficace
D’après une source interne à Airbnb, qui a accepté de s’exprimer à « Complément d’enquête » en toute discrétion, la plateforme de location touristique utilise avec brio le lobbying pour défendre ses intérêts auprès des législateurs.
« Les responsables des affaires publiques passent sans cesse au parlement, à Paris, à Bruxelles, au gouvernement. L’équipe déjeune avec des élus pour faire passer des amendements, elle crée des amendements, elle revoit des amendements. »
Et lorsqu’il a été question de la fiscalité des meublés touristiques à l’Assemblée nationale, en octobre dernier, c’est l’amendement le moins contrasté avec l’airbnb qui a été voté entre deux autres amendements. Ce texte, qui proposait de passer le fameux rabais fiscal de 71 à 60%, était notamment soutenu par François Jolivet, un député du groupe Horizons qui compte parmi ses conseillers un ancien lobbyiste d’Airbnb. Pour Iñaki Echaniz, le député socialiste qui s’interroge. « En pleine crise du logement, pourquoi ne pas favoriser la location longue durée ? », estime que cette baisse de 11% n’aura pas « d’effet significatif, ni symbolique ni concret ». Il était lui-même membre d’un groupe de plus de 300 députés de tous bords qui défendait une proposition bien plus audacieuse : abaisser ce rabais fiscal de 71 à 40%.
Cependant, au terme de ces discussions, le gouvernement a eu le dernier mot. En utilisant l’article 49.3 pour adopter son budget, il a mis de côté tous les amendements concernant la fiscalité des meublés touristiques… Et une fois encore, il s’est engagé à réduire ce rabais dont profitent leurs propriétaires… d’ici le prochain printemps.
Extrait de « Airbnb : plus de toit pour toi ! », un reportage diffusé dans « Complément d’enquête » le 11 janvier 2024.