Chaque semaine, Clément Viktorovitch se penche sur les discussions et les implications politiques. Dimanche 21 janvier : le dirigeant du pays a annoncé l’intégration de leçons de théâtre obligatoires au collège à partir de la prochaine rentrée scolaire.
Rendre le théâtre universel dans l’éducation : Un nouvel horizon
La semaine dernière, lors de sa conférence de presse du mardi 16 janvier, le président Emmanuel Macron a créé la surprise en exprimant son désir de voir le théâtre devenir une partie intégrante de l’éducation des jeunes Français. Comme il a déclaré : « Tout comme la musique et les arts plastiques, je souhaite que le théâtre devienne une partie incontournable du parcours éducatif au collège à partir de la prochaine rentrée scolaire. Cela renforce la confiance en soi, développe l’expression orale et offre l’opportunité de se familiariser avec les grands textes classiques. »
Intégrer l’éducation théâtrale au même titre que les arts plastiques ou la musique est une idée novatrice certes excitante, mais elle suscite inévitablement un certain scepticisme. Tout d’abord, il y a la question de la formation. À l’heure actuelle, rares sont les enseignants formés aux arts dramatiques et encore moins à la transmission de cet art. L’éventualité de devoir faire appel à des acteurs professionnels pour assurer la formation en tandem avec les enseignants, comme cela se fait souvent dans les ateliers de théâtre, soulève des questions quant à la factibilité d’un tel processus. Comment, en effet, financer le recrutement de milliers d’acteurs d’ici septembre ? Et qu’en est-il des ressources humaines nécessaires ? Surtout lorsqu’on sait que les cours de théâtre sont généralement dispensés en petits groupes.
D’autre part, lors de cette même conférence de presse, le président a mentionné plusieurs autres initiatives comme le doublement du temps consacré à l’éducation civique, l’accentuation de l’enseignement de l’histoire de l’art, l’augmentation des activités sportives et la provision de plus de temps pour l’orientation. Avec tous ces changements, comment intégrer le théâtre dans un schedule déjà surchargé pour les collégiens, en particulier quand Gabriel Attal, l’ancien ministre de l’éducation, envisageait de se concentrer sur les fondamentaux ? La mise en œuvre d’un tel projet semble donc compliquée.
Le danger de « l’immobilisme culturel »
Soutenir l’apprentissage des arts, notamment le théâtre, est sans aucun doute inspirant. Malheureusement, beaucoup de gens ne se sentent pas concernés par cet art, comme le président l’a correctement souligné. Cependant, le mode d’enseignement du théâtre suggéré par Emmanuel Macron, basé principalement sur la familiarisation avec les grands textes classiques, me semble un peu limité. Marie Bernanoce, une éminente spécialiste du théâtre contemporain pour les enfants, met en garde contre ce qu’elle appelle < em>« la fossilisation du théâtre patrimonial ». Une approche alternative, consistant à encourager les élèves à exprimer leurs propres idées par le biais du théâtre et à participer activement aux débats publics pourraient permettre de pallier à ce problème. Cependant, il n’est pas certain que le gouvernement serait prêt à accepter que les élèves expriment des idées qui ne correspondent pas nécessairement à leurs attentes.
Il est indéniable que le théâtre offre une excellente opportunité pour acquérir les compétences de base en matière d’éloquence. Aujourd’hui, de nombreux cours de prise de parole en public sont dispensés par des acteurs professionnels. L’intégration de cet enseignement au curriculum scolaire est d’ailleurs l’une des nouveautés du baccalauréat réformé par Blanquer, avec l’introduction du « Grand oral ».
Jusqu’à présent, malheureusement, trois sortes d’inégalités subsistent parmi les élèves. Premièrement, il y a une inégalité naturelle entre les élèves timides et ceux qui sont plus à l’aise en public. Deuxièmement, une inégalité éducative selon que les professeurs consacrent ou non du temps à préparer les élèves au Grand oral. Troisièmement, les élèves issus de milieux professionnels différents ne partent pas avec les mêmes atouts en termes d’éloquence. Il est donc urgent d’introduire un module d’enseignement de l’expression orale afin de réduire au maximum ces inégalités.
Le théâtre au service de la rhétorique
L’apprentissage du théâtre peut effectivement contribuer à atténuer ces inégalités, notamment à l’échelle du collège. Toutefois, il serait possible d’aller encore plus loin en permettant aux élèves d’apprendre à exprimer leurs idées, défendre leurs points de vue, structurer leurs arguments et analyser les discours qui leur sont proposés. Ce sont là les bases de la rhétorique, une discipline que je suggère d’intégrer dans le programme du lycée depuis longtemps.
Par exemple, une année de rhétorique pour tous les élèves en première, suivie d’une année de philosophie en terminale, pourrait aider à former des citoyens plus critiques et plus exigeants. Pour paraphraser Condorcet, cela pourrait contribuer à former « des citoyens intraitables et difficiles à gouverner ». Reste à savoir si c’est ce que souhaite le président. La question reste ouverte.