Lula l’avait promis et aujourd’hui, le voile est enfin levé sur une large partie de l’énigma entourant le meurtre de cette élue municipale de Rio, tuée en pleine voie publique en mars 2018. Ce drame s’est produit quelques mois avant que Jair Bolsonaro n’accède à la présidence, une situation qui pourrait se révéler tragiquement préjudiciable pour ce dernier.
Le mouvement populaire « Qui a tué Marielle ? » revendique depuis six ans la révélation des commanditaires du meurtre politique de Marielle Franco. Trois suspects ont été appréhendés et placés en détention le dimanche 24 mars. L’identité de ces trois individus conforte les convictions de tous ceux qui réclament justice depuis six ans. Trois arrestations ont été effectuées dans les quartiers aisés de Rio, concernant les frères Brazao, Domingos, ancien conseiller de la Cour des comptes, et Chiquinho, député de l’État de Rio. Le troisième suspect est Rivaldo Barbosa, l’ex-chef de la police civile, qui avait la charge de superviser l’enquête sur l’assassinat de Marielle Franco et de son chauffeur Anderson Gomes.
Pour compléter ce trio, l’identité des deux meurtriers est également instructive. Il s’agit de deux ex-policiers militaires, incarcérés depuis 2019. Cette affaire illustre parfaitement le fonctionnement des milices de Rio : ex-policiers, militaires, politiciens, magistrats, pompiers… Des organisations criminelles qui sont souvent plus dangereuses que les gangs et qui exercent un contrôle sur une grande partie des quartiers de la ville, voire plus.
Les milices que Marielle Franco ne cessait de dénoncer
Marielle Franco a consacré l’ensemble de sa brève carrière politique à dénoncer ces milices. Figure dynamique de la gauche brésilienne, elle était une jeune femme noire issue des favelas, militante LGBT. Son meurtre politique a profondément ébranlé le pays. Pour de nombreux Brésiliens, la mort de Marielle Franco a symbolisé pendant six ans l’impunité totale des milices sur l’ensemble du territoire. L’opération de police de dimanche est tout aussi emblématique pour le ministre brésilien de la Défense, Ricardo Lewandowski. Dans ses mots, « C’est une victoire de l’État brésilien et de nos forces de l’ordre dans la lutte qu’elles mènent contre le crime organisé. Ce que montrent les enquêtes, c’est le mode de fonctionnement des milices à Rio de Janeiro. Un système complexe, ramifié et j’ai la sensation qu’à partir de cette affaire, nous pourrons peut-être continuer de démêler un écheveau dont nous ne cernons pas encore toute l’ampleur », a-t-il déclaré.
Les sous-entendus de Lula concernant les liens entre Bolsonaro et les milices
En filigrane, le message est clair, la justice brésilienne examinera tous ceux qui sont connectés à cette organisation, y compris peut-être un ancien magnat de la ville, député de Rio pendant 28 ans. Et pourquoi pas un homme accédant à la présidence brésilienne en 2018, quelques semaines seulement après la mort de Marielle Franco. Un ancien dirigeant qui aurait révoqué les décrets permettant d’identifier les munitions utilisées par les tueurs. Un président qui aurait facilité la protection de l’un des trois commanditaires par un passeport diplomatique. Cette enquête a stagné pendant la présidence de quatre ans de Jair Bolsonaro et sa résolution est également motivée par des raisons politiques. Jair Bolsonaro est déjà l’objet de cinq procédures judiciaires (gestion du COVID, tentative de coup d’Etat…). Bien que ses liens avec les milices de Rio n’aient jamais été explicitement établis, son successeur Lula y a fréquemment fait référence lors de ses discours de campagne, et on peut être sûr qu’il permettra à la justice de faire son travail.