Franck Elong Abé a admis être l’auteur du meurtre en détention du militant pour l’indépendance de la Corse. Cependant, il soutient maintenant que c’est le gouvernement français qui a orchestré ce crime.
« Nous sommes face à des affirmations percutantes et déconcertantes [concernant le décès de Yvan Colonna], qui méritent une enquête sérieuse et une intégration au dossier. Cependant, nous ne devons pas laisser ce feu d’artifice détourner notre quête de justice et de vérité », déclare le député nationaliste corse Jean-Félix Acquaviva, le 21 mars, sur France Bleu RCFM. Ses propos font suite à de récentes révélations concernant une lettre de Franck Elong Abé, suspecté meurtrier, mettant en cause l’État français.
Franck Elong Abé a admis avoir tué en détention Yvan Colonna, mais a remis en question ses premiers aveux dans une nouvelle lettre où il accuse les institutions étatiques. Selon un document consulté par France Bleu RCFM, écrit à l’attention de la juge d’instruction antiterroriste, le prisonnier fiché S soupçonne la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) d’avoir orchestré le meurtre du combattant indépendantiste corse dans la prison d’Arles, deux ans jour pour jour après son assassinat, survenu le 21 mars 2022 (il succomba à ses blessures à l’hôpital de Marseille). Jean-Félix Acquaviva remarque que les allégations sont surprenantes et sérieuses, tout en insistant sur la nécessité de les aborder avec prudence.
De l’accusation de blasphème à l’assassinat programmé
Président de la commission d’enquête sur le décès d’Yvan Colonna, Jean-Félix Acquaviva a dévoilé ses conclusions en juin 2023. Franck Elong Abé avait initialement reconnu avoir tué Yvan Colonna pour un motif de « blasphème ». Cependant, il revient sur cette affirmation dans une lettre de quatre pages, rédigée dans sa cellule de la prison de Santé le 14 février et reçue par la juge le 21 février. Ce document, ajouté au dossier d’enquête, est parsemé d’incohérences, d’exagérations et d’imprécisions, et n’a pas encore fait l’objet d’une vérification approfondie.
Les conclusions de la commission d’enquête parlementaire ont mis en évidence plusieurs dysfonctionnements et des zones d’ombre demeurent. Cependant, rien n’indiquait qu’il puisse s’agir d’une revanche orchestrée par l’État, bien que le député n’ait pas écarté cette hypothèse. Il invite donc à la prudence concernant les premières déclarations de Franck Elong Abé, ainsi que son changement de version dans cette dernière lettre. « Ces révélations sont sérieuses. Elles nécessitent une attention prudente, mais elles sont bel et bien sérieuses », insiste-t-il.
D’après le député nationaliste, Franck Elong Abé n’est pas l’individu instable et psychotique, hautement dangereux, que l’on dit. Le fait qu’il ait attendu deux ans pour écrire cette lettre et pour changer sa version de l’histoire n’est pas une preuve en soi. Jean-Félix Acquaviva note : « La psychiatre a clairement affirmé qu’il n’était pas fou. S’il l’était vraiment, il devrait se trouver dans un hôpital psychiatrique ou en isolement, et non pas en service d’intérêt général. Sinon, il serait en évaluation psychiatrique. Ces sont des témoignages sous serment. Cependant, si la théorie de la folie est exacte, pourquoi devrions-nous croire en sa première accusation de blasphème, sachant que le parquet national antiterroriste n’a suivi cette théorie qu’à partir de ses propres aveux ? », se questionne le législateur.
Réfutation ferme du ministère de l’Intérieur
Le député rappelle que parmi les témoins auditionnés lors de la commission d’enquête parlementaire, « les gardiens de prison et le directeur actuel de la prison d’Arles affirment que l’accusation de blasphème est infondée. Si d’un côté il y a des interrogations concernant de graves allégations aujourd’hui, il y a également une remise en question de la première théorie, qui est uniquement soutenue par le procureur national antiterroriste. On a chanté trop vite les louanges de la théorie de l’islamisme, se basant uniquement sur ses aveux. Or, la situation s’avère beaucoup plus complexe », poursuit l’élu.
Le ministère de l’Intérieur a fermement démenti ces accusations mercredi dernier. Le député espère que les conclusions de la commission seront prises en compte dans l’enquête judiciaire. Jean-Félix Acquaviva fait notamment référence au fait qu’il a « demandé l’application de l’article 40 avec Laurent Marcangeli (député Horizon de Corse-du-Sud et rapporteur de la commission d’enquête parlementaire), et a alerté le procureur de Tarascon sur des dysfonctionnements liés à des ommissions potentielles, voire à la suppression éventuelle d’informations graves qui pourraient s’apparenter à une non-assistance à personne en danger, comme par exemple le contenu d’une conversation captée par un agent et d’autres collègues. Nous attendons toujours les résultats de cette enquête secondaire », souligne Jean-Félix Acquaviva. Il poursuit en insistant : « Tous les éléments doivent être pris en considération et l’enquête judiciaire doit tout mettre sur la table pour aller aussi loin que possible vers la justice et la vérité. Nous espérons pouvoir bénéficier d’une enquête judiciaire impartiale qui s’efforce d’aller aussi loin que possible dans tous les domaines ».