Les sénateurs français ont voté à une large majorité contre la ratification de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, connu sous le nom de Ceta. Ce rejet fait suite à des semaines de protestations d’agriculteurs opposés à de telles politiques commerciales libérales, un coup dur pour le président français Emmanuel Macron.
Lors d'un scrutin étroitement surveillé jeudi, 211 sénateurs se sont opposés à la ratification de l'accord de libre-échange tandis que 44 ont voté pour.
Le non est intervenu après que les partis d’opposition de gauche et de droite se sont associés dans une alliance inhabituelle pour faire échouer l’accord.
Les accords de libre-échange, symbole de la volonté de l'UE d'ouvrir les marchés et de stimuler la concurrence, sont devenus la cible de vives critiques de tous les bords politiques depuis que les agriculteurs de France et d'autres pays de l'UE ont protesté contre ce qu'ils considèrent comme une concurrence déloyale de l'étranger.
Les agriculteurs français, qui ont fait pression sur le gouvernement pour qu'il obtienne davantage d'aide, ont été le fer de lance de la lutte contre les accords de libre-échange internationaux, et en particulier contre l'accord Ceta, affirmant qu'il favorise les concurrents canadiens dont les normes environnementales sont moins strictes.
Interbev, le lobby des éleveurs et transformateurs de viande français, s'est félicité du vote.
« Interbev compte désormais sur l'Assemblée nationale pour rejeter définitivement cet accord néfaste pour l'industrie du bétail et de la viande et pour les consommateurs », a-t-elle déclaré dans un communiqué envoyé après le vote.
Le syndicat des agriculteurs de gauche, la Confédération paysanne, a qualifié le vote de victoire, estimant que l'accord « accentue la course aux volumes, sans retour tangible pour les producteurs ».
Mais la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux français (FEVS) s'est dite consternée.
Ce vote « totalement surréaliste » a été un « vrai coup dur pour l'ensemble du secteur des vins et spiritueux », a déclaré le délégué général de la FEVS.
Un « mauvais signal »
Macron est un partisan des politiques de libre-échange et ses alliés parlementaires centristes ont réussi à faire approuver le Ceta par une faible marge à la chambre basse de l’Assemblée nationale en 2019, mais il avait besoin du soutien de la chambre haute du Sénat pour être ratifié.
Le rejet par le Sénat – où le gouvernement ne dispose plus de la majorité absolue – signifie que le projet de loi retourne désormais à l'Assemblée nationale.
L'accord commercial, conclu en 2014 et ratifié en 2017 par le Parlement européen, vise à supprimer les droits de douane sur 98 % des marchandises entre l'UE et le Canada.
Bien qu’il soit en vigueur à titre provisoire depuis 2017, il nécessite une ratification dans tous les États membres de l’UE pour prendre pleinement effet. Dix pays ne l'ont pas encore ratifié.
Le ministre français du Commerce, Franck Riester, a déclaré que les agriculteurs, comme les producteurs de vins et de fromages – les principales productions d'exportation françaises – bénéficieraient de cet accord.
« Aujourd'hui est un très mauvais jour pour notre économie, pour notre entreprise, pour nos exportateurs, pour nos agriculteurs », a déclaré Reister aux sénateurs après le vote.
« Vous envoyez un très mauvais signal à nos exportateurs, à nos agriculteurs et au Canada », a-t-il déclaré.