À l’âge de 83 ans, Hayao Miyazaki démontre qu’il n’a rien perdu de son habileté et de ses méthodes traditionnelles 2D, en dépit de l’ère de domination des graphiques informatiques.
Hayao Miyazaki, considéré comme une icône incontournable de l’animation japonaise, a reçu dimanche 11 mars l’Oscar du meilleur film d’animation pour son œuvre Le Garçon et le Héron. C’est un triomphe qui fait suite à celui de Le Voyage de Chihiro en 2003, et qui pourrait peut-être inciter le vétéran de 83 ans à reporter sa retraite, qu’il a déjà envisagée à plusieurs reprises, et revenir une fois de plus à sa planche à dessin. Un hiatus de dix ans a séparé ces deux films majeurs, le précédent étant Le vent se lève.
Un accueil modeste
Connu pour sa réserve, Miyazaki n’était pas présent à la cérémonie des Oscars à Hollywood. Il n’a pas non plus assisté à une conférence de presse de Ghibli lundi à Tokyo, laissant le soin à Toshio Suzuki, un autre dirigeant du studio, de prendre la parole en son nom. Hayao Miyazaki a accueilli sa récente victoire aux Oscars avec une certaine maîtrise, dissimulant sa satisfaction sous un flegme apparent : il était « serein » et a simplement mentionné que c’était « agréable » d’avoir remporté ce prix, selon les propos de Toshio Suzuki, avec qui il a échangé au téléphone.
Toshio Suzuki a exprimé quelques doutes quant à la capacité de Miyazaki à réaliser un autre long-métrage. Toutefois, rappelant que Miyazaki avait déjà réalisé des courts-métrages d’animation par le passé, il a exprimé l’espoir de le voir renouer avec ce format.
« Il [Miyazaki] prétend que sa vue baisse et que ses bras ne répondent plus. Mais si vous me demandiez mon avis, je dirais qu’il exagère ! Pour moi, il semble plein de vitalité. »
Tachio Suzuki, producteur chez Ghibli
Grâce à Le Garçon et le Héron, Hayao Miyazaki, minutieux artisan qui a œuvré à l’élaboration de la réputation de l’animation japonaise, prouve qu’il n’a pas perdu de sa superbe, et continue de pratiquer ses techniques 2D traditionnelles en dépit du succès grandissant des images de synthèse.
La quête d’un remplaçant
Le film possède une dimension onirique et magique, caractéristique du style de Miyazaki, et intègre des éléments autobiographiques à l’instar de Le vent se lève, en se déroulant durant la période trouble de son enfance, la Seconde Guerre mondiale. Suite à la disparition de sa mère dans un incendie à Tokyo, Mahito, un jeune garçon, est amené à vivre à la campagne avec son père et sa belle-mère, qui est également sa tante. Ce changement de décor va être l’occasion pour Mahito de faire la rencontre d’un héron cendré qui va lui ouvrir les portes d’un univers fantastique peuplé de créatures extraordinaires et effrayantes, où il découvrira les mystères de son histoire familiale et devra faire des choix déterminants.
L’an dernier, Miyazaki avait partagé que cet univers s’inspirait largement de ses souvenirs personnels, lui qui avait aussi vécu à la campagne pour échapper aux bombardements durant la guerre. « La réalité de la vie n’est pas toujours belle ou juste. Elle peut aussi comporter une part de grotesque », a-t-il ajouté. « J’ai estimé qu’il était temps de produire une œuvre en puisant dans ce qui se cache au plus profond de moi-même ». Dans Le Garçon et le Héron, un vieux gardien de l’harmonie du monde magique, en train de sombrer, est en quête d’un successeur.
Dans un documentaire diffusé en décembre par la chaîne publique japonaise NHK, Miyazaki a expliqué que le personnage du gardien s’inspirait d’Isao Takahata, cofondateur avec lui du studio Ghibli, décédé en 2018. Miyazaki et Takahata entretenaient une relation « d’amour et de haine », selon les dires de Miyazaki. Cela pourrait aussi être une métaphore de la question délicate de l’avenir de Ghibli, particulièrement depuis que son fils aîné Goro Miyazaki a décidé de ne pas en prendre la direction.
Fin 2023, Ghibli est devenu une filiale de la chaîne de télévision japonaise Nippon TV, qui s’est engagée à « préserver le savoir-faire et la valeur de la marque » du studio et à garantir son indépendance.