Le cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, qui a été sanctionné à une peine de huit ans de réclusion en Iran au début du mois de mai, a quitté clandestinement son pays d’origine pour pouvoir présenter son film le plus récent au Festival de Cannes.
La projection du film Les graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof en compétition à Cannes est un événement inattendu, étant donné les circonstances exceptionnelles qui ont permis au réalisateur d’être présent au Festival pour soutenir son film en compétition. On observe souvent une interconnexion entre le cinéma et le politique sur la Croisette et cette fois n’y déroge pas.
Lauréat du prix Un certain regard en 2017 pour Un homme intègre, Mohammad Rasoulof réalise une nouvelle oeuvre qui critique le régime iranien en racontant l’histoire d’un futur inspecteur judiciaire dont l’arme de service a mystérieusement disparu.
La disparition mystérieuse d’une arme
Parmi les favoris pour le palmarès attendu samedi 25 mai, Les Graines du figuier sauvage, projeté tardivement lors du festival, a créé une forte impression. Mohammad Rasoulof illustre une grande maîtrise de la narration, malgré une distribution réduite à une petite famille – un couple et leurs deux filles, des actrices inconnues. Ce film, racontant une histoire à la fois simple et touchante, sert de prétexte pour critiquer subtilement le régime iranien.
Alors que Téhéran traverse une grave crise politique, sociale et fait face à des manifestations, Iman, l’inspecteur judiciaire désigné pour le tribunal révolutionnaire de Téhéran, voit son arme de service disparaître. Déjà abattu par la morosité de son travail qui implique de multiples condamnations à mort, Iman suspecte sa femme et ses filles d’avoir volé l’arme, ce qui entraîne une dégradation dans leur relation familiale.
Du grand écran au smartphone
Mohammad Rasoulof, à travers ce film, dessine une métaphore du contexte sociopolitique tendu en Iran. Le gouvernement de Téhéran, déjà en difficulté suite au décès récent du président iranien Ebrahim Raïssi, et depuis l’assassinat de Jina Mahsa Amini, est secoué par le mouvement revendicatif « Femme, Vie, Liberté !« , né au Kurdistan en 1922 et qui a pris de l’ampleur à l’échelle nationale. En parallèle de son histoire, Les Graines du figuier sauvage intercale de véritables séquences de manifestations, de violences policières et d’arrestations brutales filmées en mode portable par Rasoulof, conférant au film une réalité dérangeante.
Il est évident que Les graines du figuier sauvage sont peu appréciées par les mollahs, et que Mohammad Rasoulof est la cible à abattre. Cependant, malgré la menace, il parvient habilement à faire ressortir les failles du régime, avec un sens de la dramaturgie qui tient en haleine pendant près de trois heures. Pour toutes ces raisons, artistiques et idéologiques, Les graines du figuier sauvage est considéré comme un film majeur, qui mériterait une place au palmarès. La Palme d’or, peut-être ?
Détails du film
Genre : Drame / Thriller
Réalisateur : Mohammad Rasoulof
Distribution : Soheila Golestani, Setareh Maleki, Missagh Zareh, Mahsa Rostami
Provenance : Iran / France / Allemagne
Durée : 2h48
Sortie : À venir
Distributeur : Pyramide Distribution
Résumé : À Téhéran, en proie à des troubles sociaux et politiques, le juge d’instruction Iman se rend compte de la disparition de son arme. Il suspecte sa femme et ses filles, ce qui conduit à l’instauration de mesures extrêmes qui mettent à l’épreuve les liens familiaux.