Le débat sur le projet de loi sur la fin de vie s'ouvre ce lundi au Parlement français dans le but d'ouvrir la possibilité de l'aide médicale à mourir pour certains patients. Mais les changements introduits par une commission parlementaire font craindre à l'exécutif une « perte d'équilibre » dans le texte proposé.
Afin de laisser suffisamment de temps aux débats – qui mêleront aspects techniques médicaux et questions juridiques et personnelles – l'Assemblée nationale a prévu deux semaines de discussions pour la première lecture du projet de loi.
La ministre de la Santé Catherine Vautrin ouvrira les débats lundi à 16 heures, avec un vote final du projet de loi prévu le 11 juin.
Le débat s'annonce houleux sur les critères d'éligibilité, dont l'un a été amendé en commission.
Le texte original exigeait que les personnes souffrent d'une « affection grave et incurable avec un pronostic vital engageant à court ou moyen terme », qu'elles soient majeures, qu'elles puissent exprimer librement et de manière éclairée leurs volontés et qu'elles soient souffrant d'une maladie incurable ou insupportable.
Craintes de « failles »
Les députés de la commission spéciale ont toutefois supprimé la référence à une « pathologie potentiellement mortelle à court ou moyen terme », préférant la notion de « phase avancée ou terminale » de la maladie.
Ce changement a été approuvé par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité et le rapporteur général Olivier Falorni du parti centriste MoDem, qui a estimé que la notion de moyen terme « risquait de laisser de côté un certain nombre de patients ».
Le gouvernement français y voit cependant une faille qui pourrait « conduire à inclure de nombreuses pathologies non mortelles qui échappent à la philosophie du texte » – un avertissement lancé par le Premier ministre Gabriel Attal en 2017. La Tribune journal dimanche.
Le débat « transcende » la division politique
Preuve supplémentaire que la question de l'aide à mourir transcende les clivages traditionnels, certains députés de gauche, MoDem et Renaissance ont déposé des amendements pour supprimer l'aide à mourir, tout comme certains républicains.et des membres d’extrême droite du Rassemblement national.
Cependant, l’essentiel du soutien à cette législation devrait venir de la gauche et du camp présidentiel.
Les débats devront également clarifier la question des directives anticipées.
Au sein de la commission parlementaire, les députés ont convenu que les patients devraient pouvoir préciser à l'avance le type d'aide à mourir en cas de « perte de conscience irréversible ».
Toutefois, le texte précise ailleurs que le patient doit être « capable d'exprimer sa volonté de manière libre et éclairée ».
Face à la confusion provoquée, le ministre de la Santé a assuré que « le patient (devra) toujours confirmer sa volonté libre et éclairée à chaque étape de la procédure ».
Préoccupations religieuses
La question de savoir qui administre la substance mortelle soulève également des questions.
Le texte a prévu que les patients l'administrent eux-mêmes, sauf ceux qui ne peuvent le faire.
Mais un autre amendement au projet de loi ouvre la possibilité de choisir librement de déléguer cet acte à un tiers.
La plupart des groupes religieux ont exprimé leur profonde préoccupation face à ces modifications du texte, partageant l'avis de l'Église catholique selon lequel « les verrous ont été brisés ».
Un groupe d'organisations de soins de santé a déclaré que « la boîte de Pandore était ouverte ».
Un autre aspect majeur du texte concerne les soins palliatifs, que tous les partis appellent à renforcer.
Le gouvernement ayant exclu toute procédure accélérée, un accord sur le texte final pourrait prendre jusqu’à l’été 2025 – voire plus.