Dans ce long-métrage, le metteur en scène d’origine franco-cambodgienne propose une méditation sur la langue, l’art de la tromperie et les excès d’une révolution qui a exacerbé l’application d’une idéologie.
Une nouvelle oeuvre de Rithy Panh portant sur son pays, le Cambodge
Le cinéaste franco-cambodgien Rithy Panh continue d’explorer l’histoire de son pays natal à travers son dernier film de fiction, en lice lors du Festival de Cannes 2024. « Rendez-vous avec Pol Pot », sorti le 5 juin, s’articule autour de l’expérience de trois Français sous haute surveillance au Kampuchéa démocratique : une journaliste, incarnée par Irène Jacob, un photographe et un sympathisant de gauche du régime.
Au fil de leurs visites rigoureusement contrôlées, ils commencent à percevoir la réalité dissimulée derrière les discours officiels et les mises en scène fictives.
Un regard derrière les coulisses
Lors du Festival de Cannes, Rithy Panh s’est entretenu avec 42mag.fr Culture, partageant ses motivations pour ce projet, ses décisions de mise en scène, et son lien intime avec l’art cinématographique.
Il explique que de nombreuses personnes ont visité le Cambodge à cette période, notamment des occidentaux comme les protagonistes du film, mais aussi des personnes invitées depuis des « pays frères ». Pourtant, il précise n’avoir jamais vu de témoignages de leur expérience dans ce pays. Il note également qu’il existe toujours des intellectuels qui défendent ce qui est, pour lui, indéfendable.
Le réalisateur évoque certains propos d’un homme politique contemporain français qu’il a intégré mot pour mot dans les repliques d’un Khmer Rouge dans le film, et personne ne s’en est rendu compte.
Sur le choix des personnages principaux, ils devaient permettre de discuter de la notion d’idéologie. L’intellectuel est un sympathisant du régime qui croit en l’idée d’émancipation du peuple. La journaliste est elle confrontée à ce qu’elle peut voir, dire, et ce qui reste caché. Le photographe, quant à lui, est présenté comme un observateur silencieux mais conscient à travers ses expériences précédentes dans diverses zones conflictuelles.
Le réalisateur invite à regarder son film pour découvrir la suite de leur aventure.
L’histoire est principalement racontée à travers le prisme artificiel qui leur est présenté, comme dans les photos prises par les communistes européens lors de leurs voyages à cette époque.
Le réalisateur suggère aussi que l’information est manipulée aujourd’hui à un rythme effréné, obligeant les individus à devoir choisir rapidement un camp, sans possibilité de prendre le temps de vérifier les faits. C’est pourquoi, il pense qu’il est important de rappeler aux gens qu’ils peuvent se donner une marge de manoeuvre avec l’information en vérifiant l’information disponible.
Le pouvoir du langage
Une des composantes centrales du film est le pouvoir du langage, comme illustré par la terminologie des Khmers Rouges qui préféraient le mot « détruire » à « tuer », symbole fort de l’annihilation complète d’une personne.
Rithy Panh a souhaité donner une forme singulière à son film en l’inscrivant dans une démarche poétique qui représente pour lui une aide précieuse pour vivre.
L’utilisation de figurines pour montrer certaines scènes difficiles à représenter semble également marquer de manière unique son style cinématographique. Celles-ci permettent une distanciation face à l’horreur, et aident à insuffler une certaine quiétude dans la représentation des événements douloureux.
Rithy Panh termine en soulignant que son travail comme cinéaste consiste à documenter les événements, et ensuite, il revient aux historiens d’effectuer une travail scientifique. Il se portera toujours marqué par ce qu’il a vécu, mais espère rendre hommage à l’humanité à travers ses films.
Il a notamment choisi de prêter son ombre pour incarner Pol Pot, le leader des Khmers rouges, sans toutefois chercher à le personnifier complètement, afin d’éviter de tomber dans le ridicule.