En janvier, Jérôme Bayle, un agriculteur des Pyrénées, a initié un blocus de l’A64 en utilisant des tracteurs et des ballots de paille. Ce fils d’un exploitant agricole qui a tragiquement mis fin à ses jours en 2015 a engagé une action non planifiée qui s’est finalement développée de manière inattendue.
Le 18 janvier 2024, un groupe de dizaines de tracteurs et des bottes de paille ont été disposés pour entraver l’autoroute A64 au niveau de Carbonne, en Haute-Garonne. Contestant son syndicat, la FDSEA, Jérôme Bayle, l’éleveur responsable de cette mobilisation sans précédent, se tenait aux côtés de quelques amis. « Il ne me faudrait qu’une balle dans la tête pour m’empêcher de faire entendre ma voix au volant de mon tracteur sur cette autoroute. Nous n’avons plus rien à perdre« , déclara-t-il alors que ses camarades mettaient en place des mannequins symboliquement suspendus à un pont pour souligner le taux alarmant de suicides parmi les agriculteurs.
Trois exigences majeures
En 2015, après le suicide de son père, Jérôme Bayle avait repris la ferme familiale située aux pieds des Pyrénées. Lorsqu’il a pris la décision de bloquer l’axe routier reliant Toulouse à Bayonne, l’ancien joueur de rugby a averti que les tracteurs ne quitteraient pas les lieux tant que trois exigences ne seraient pas satisfaites : le remboursement des frais liés à la MHE, une maladie affectant le bétail, la suppression de la taxe sur le gazole non routier, et la construction de retenues d’eau ou de barrages.
Dix jours plus tard, ces exigences étaient satisfaites, suite à une visite du Premier ministre, Gabriel Attal. Jérôme Bayle a alors retiré ses tracteurs, mais a immédiatement été critiqué pour avoir mis fin à la mobilisation trop rapidement, accusé de trahir sa cause, y compris par des représentants politiques de tous horizons. Un mois plus tard, il se défend en arguant que l’ampleur médiatique le surprenait : « Je ne m’attendais pas à cela, affirme-t-il. Avec jusqu’à 50 interviews par jour, l’objectif était de faire entendre le monde agricole… Je suis même parvenu à faire une page complète dans le New York Times ! »
« Nous étions convaincus qu’après 48 heures, la police interviendrait, qu’on nous délogerait et que tout cela serait terminé. Mais finalement, cela a débouché sur un mouvement d’une ampleur nationale. »
Jérôme Bayle, éleveur.à 42mag.fr
Pour lui, la problématique agricole n’avait pas bénéficié d’une telle visibilité depuis l’engagement de José Bové. Bien qu’il ne se voie pas comme le représentant des agriculteurs français, il a voulu partager « les préoccupations de la base du monde agricole avec des termes clairs, accessibles à tous », déclare-t-il. Concernant les critiques et les accusations de trahison, il se considère comme un homme de paroles, qu’il s’agisse de ses camarades ou du Premier ministre, avec qui il croit avoir eu un échange « direct et honnête ». Il assume également que, même si Gabriel Attal a pu utiliser sa position pour améliorer son image, cela a néanmoins « été bénéfique pour la cause agricole » : « N’oublions pas qu’un plan d’orientation agricole a été mis en place, ce qui n’existait pas auparavant. »
Actuellement, Jérôme Bayle est convaincu que le mouvement a réussi à « changer la dynamique » et à « récréer un lien qui s’était perdu au sein de la profession ». Bien que le combat doive se poursuivre, selon lui, surtout en ce qui concerne les revenus, il confie ne pas vouloir dévoiler d’informations précises, tout en notant qu’il a été approché par divers partis pour envisager une candidature aux élections européennes, à l’exception de celui d’Emmanuel Macron.