Cette comédie collective, mettant en avant l’actrice Sandra Hüller, narre les exploits d’un groupe d’ouvriers sans emploi issus de l’ancienne RDA. Ces derniers exploitent le chaos qui règne durant la période de réunification pour mettre en œuvre une habile escroquerie visant à s’emparer des fonds destinés à la collectivité, souvent qualifiés d’ »argent du peuple ».
Suite à la chute du mur de Berlin, les autorités allemandes ont choisi de mettre en lieu sûr l’ensemble de la monnaie de la RDA, soit environ 3 000 tonnes de billets représentant plus de 100 milliards de marks, dans un ancien bunker. La cinéaste allemande Natja Brunckhorst s’est inspirée de cet événement historique pour créer une comédie dynamique, mettant en avant la talentueuse Sandra Hüller. Le film, intitulé La Belle affaire, sortira en salles le 28 août.
Robert et Maren habitent dans une zone ouvrière d’une petite ville autrefois en RDA. Une usine, qui est une source de revenus pour de nombreux habitants, annonce des licenciements, et Robert se retrouve sur la liste. Néanmoins, la famille profite de la chaleur de cet été pour organiser des rencontres festives dans le jardin collectif avec leurs voisins. Volker, qui a tenté sa chance à l’Ouest, revient et est accueilli froidement par Maren, qui lui dissimule un secret.
Parallèlement, des camions circulent incessamment vers un entrepôt militaire local. Robert, Volker et Maren décident d’enquêter, avec l’aide de l’oncle de Robert, employé en maintenance sur place. Lors d’une aventure risquée, ils découvrent avec stupéfaction de nombreux billets de banque de la RDA entreposés dans une galerie souterraine, en route vers la destruction. Bien que ces billets n’aient plus aucune valeur, le groupe, soutenu par la communauté, va réussir à les transformer en une véritable richesse grâce à une combinaison astucieuse.
« Une époque incroyable »
À travers cette intrigante histoire, la réalisatrice d’origine allemande dépeint l’ex-RDA lors de l’année suivant la chute du mur, une période marquée par le désordre mais également par un profond sentiment de liberté et d’espoir partagé par la population, joyeusement incarné par ce groupe d’amis de quartier.
« Une époque incroyable », comme le souligne Yannek, le fils graffeur de Maren et Robert. « Il y avait de l’espoir, suivi de doutes, mais aussi de nouvelles possibilités. Beaucoup de personnes m’ont confié : ‘C’était la meilleure période de ma vie’ ! » raconte la réalisatrice.
La question de savoir si l’argent peut apporter le bonheur parcourt le film, débutant par une vision presque féerique, où ce groupe d’amis s’amuse à jouer dans les piles de billets. Au fur et à mesure que l’histoire avance, leur rapport à l’argent évolue, intégrant une réflexion sur son utilité potentielle.
Ce parcours passe d’abord par une utopie, avant de s’orienter vers un projet plus concret et collectif, témoignant d’une certaine attache à des valeurs communistes. « L’argent, c’est la liberté achetée » : cette phrase clôturant le film illustre parfaitement l’expérience de cette petite communauté.
« Comment recommencer à zéro ? »
La Belle affaire raconte également l’histoire d’un triangle amoureux, dont l’originalité fait écho à la question plus vaste de la réunification allemande, qui doit redéfinir ses propres contours. « Si nous ne parvenons pas à comprendre qui nous sommes tous les trois, comment pouvons-nous recommencer à zéro ? » se demande Maren aux deux hommes amoureux d’elle. Cette phrase résonne tant pour leur relation personnelle que pour celle d’une Allemagne en quête de réconciliation.
Ce triangle amoureux semble trouver sa résolution dans la notion de collectif, symbolisée par la scène où toute la famille s’endort ensemble dans le même lit, une image intime de la réunification, où chaque individu doit apprendre à trouver sa place dans un espace à redéfinir ensemble.
Natja Brunckhorst, qui a débuté sa carrière très jeune en tant qu’actrice, connue pour son rôle principal dans le film Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée, propose ici un portrait imprégné de nostalgie de l’ex-RDA dans ce second long métrage.
S’interrogeant sur les normes familiales et sociales, le film déconstruit les idéaux du communisme tout en mettant en avant une vision du collectif, héritée de cette même idéologie. « Nous avons œuvré pour maintenir le monde, mais pas le nôtre, celui des autres, » exprime l’un des personnages, étonné de découvrir que l’usine où il a travaillé toute sa vie fournissait en réalité des pièces à une entreprise suédoise renommée.
Ce film choral, qui aurait gagné à être un peu plus concis, bénéficie d’une excellente distribution où chaque acteur contribue à sa manière, avec une Sandra Hüller éblouissante. La réalisation, soignée, avec des plans harmonieux ainsi que des décors et costumes fidèles, évoque avec précision l’esthétique et l’esprit particuliers d’un monde désormais révolu, celui de l’ancien « bloc de l’Est », disparu avec la chute du mur.
Fiche technique
Genre : Comédie
Réalisatrice : Natja Brunckhorst
Acteurs : Sandra Hüller, Max Riemelt, Ronald Zehrfeld
Pays : Allemagne
Durée : 1h56
Date de sortie : 28 août 2024
Distributeur : KMBO
Synopsis : En 1990, alors que la réunification des deux Allemagnes est en plein bouleversement, des ouvriers d’un même quartier d’ex-RDA découvrent un jour l’existence de milliers de billets est-allemands promis à la destruction. Ils disposent de trois jours pour s’emparer de cet argent et le convertir en Deutsche Mark, en élaborant un plan qui changera leur vie.