Fraîchement installé à Matignon, le Premier ministre est confronté à la tâche de former son équipe gouvernementale et de reprendre les dossiers laissés en attente depuis la dissolution, notamment la présentation du budget.
Le temps presse. C’est ce que Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a laissé entendre jeudi 5 septembre lors de la cérémonie de passation de pouvoir avec son prédécesseur, Gabriel Attal, seulement quelques heures après sa nomination par Emmanuel Macron à Matignon.
« Au travail », a-t-il lancé à la fin de son discours. Formation du gouvernement, priorités urgentes, censure à éviter… Franceinfo détaille les principaux défis qui attendent Michel Barnier dans les jours à venir.
Constituer une équipe gouvernementale
À peine installé à Matignon, où il a promis « des changements et des ruptures », Michel Barnier doit maintenant constituer une équipe gouvernementale. Cette tâche peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Par exemple, Gabriel Attal, son prédécesseur, avait dévoilé les ministres de son gouvernement deux jours après sa nomination en janvier, tandis que la composition complète avec les ministres délégués et les secrétaires d’État a été finalisée un mois plus tard.
Avec une Assemblée nationale fragmentée en trois grandes forces, Michel Barnier, mandaté par Emmanuel Macron pour « former un gouvernement de rassemblement au service de la nation », devra établir une équipe équilibrée. Faute de quoi, il pourrait risquer une censure de la part des députés.
Dès le lendemain de sa nomination, Michel Barnier a reçu à 9 heures Gabriel Attal, désormais président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale. Ensuite, à 10h15, il devait discuter avec les leaders de son propre parti, Les Républicains, afin de déterminer les conditions d’une éventuelle participation à son gouvernement.
Pendant ce temps, les ministres démissionnaires continuent de gérer les affaires courantes et pourraient être rappelés par Michel Barnier. Certains, comme Gérald Darmanin et Rachida Dati, partagent d’ailleurs sa sensibilité politique de droite.
Préparer une éventuelle déclaration de politique générale
Traditionnellement, bien que la Constitution ne l’impose pas, le nouveau Premier ministre prononce une déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale quand un nouveau gouvernement est formé. Ce discours permet au chef du gouvernement de présenter les grandes lignes de son programme, ainsi que les réformes et mesures qu’il souhaite appliquer.
Lors de cette allocution, Michel Barnier pourrait décider de mettre en jeu la responsabilité de son gouvernement sur cette déclaration, comme le prévoit l’article 49 de la Constitution. Si une majorité de députés s’opposait à cette déclaration, il devrait alors démissionner. Cependant, ce scénario est peu probable puisque le nouveau Premier ministre ne dispose que d’une majorité relative. Sous Emmanuel Macron, seuls Édouard Philippe et Jean Castex, qui avaient une majorité absolue, ont pris ce risque.
S’attaquer aux enjeux économiques prioritaires
Parmi les dossiers les plus urgents sur la table de Michel Barnier, ceux d’ordre économique occupent une place prépondérante. Le nouveau chef du gouvernement dispose de moins d’un mois pour soumettre le budget 2025 au Conseil des ministres avant de l’envoyer à l’Assemblée nationale le 1er octobre.
Cependant, ce délai pourrait être prolongé de quelques jours en raison du retard accumulé cet été et de la situation financière dégradée de la France. Le pays affiche en effet un déficit public de 5,5 % du PIB en 2023 et fait l’objet d’une procédure pour déficit public excessif de la part de la Commission européenne. Michel Barnier devra également se pencher sur la réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage.
Par ailleurs, les syndicats du secteur éducatif attendent des décisions rapides sur les réformes en suspens depuis la dissolution. La rentrée scolaire s’est d’ailleurs déroulée dans une certaine incertitude, notamment concernant le format du brevet pour les élèves de troisième. Le nouveau Premier ministre est également attendu sur les dossiers environnementaux urgents.
Éviter la menace de la censure parlementaire
Michel Barnier devra constamment œuvrer pour éviter les motions de censure au Parlement. Pour qu’une telle motion aboutisse, elle doit d’abord être signée par au moins un dixième des députés avant d’être présentée à l’Assemblée, puis adoptée par une majorité absolue des députés. Cette arme constitutionnelle n’a été effective qu’une seule fois sous la Ve République, en 1962, entraînant alors la démission du gouvernement de Georges Pompidou.
En comptant sur l’appui des parlementaires du bloc central, des députés LR et du petit groupe Liot, Michel Barnier peut théoriquement s’appuyer sur 235 députés. Il lui manquerait donc 54 députés pour atteindre la majorité absolue nécessaire (289 députés). Dans ces conditions, une coalition du Rassemblement national et du Nouveau Front populaire pourrait potentiellement renverser son gouvernement.
Le groupe de Jordan Bardella préfère à ce stade attendre la déclaration de politique générale de Michel Barnier avant de se prononcer sur une telle motion de censure. En revanche, la coalition des gauches a déjà manifesté son intention de demander la censure, mais devra patienter jusqu’au retour officiel des députés au Palais-Bourbon pour agir en ce sens.