Le chef du gouvernement a loué les modifications fiscales introduites depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Ces ajustements ont bénéficié à tous les foyers français, bien qu’ils aient été particulièrement avantageux pour les plus riches.
Avec la suppression de la taxe d’habitation, la disparition de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) sur les revenus patrimoniaux, plusieurs réformes fiscales ont été menées sous la présidence d’Emmanuel Macron. Mais ces mesures ont-elles réellement bénéficié à une grande partie des contribuables français ? Lors de son discours de politique générale devant l’Assemblée nationale le mardi 1er octobre, le Premier ministre, Michel Barnier, a insisté sur le bienfait de ces allégements fiscaux qui, selon lui, ont soutenu de nombreux ménages et entreprises, leur apportant un répit nécessaire dans un contexte de crise sanitaire.
Mais alors que les finances publiques se dégradent, le chef du gouvernement a présenté une nouvelle approche, différente de celle adoptée par le président et son équipe. Il a plaidé pour « un effort fiscal temporaire et équitable », demandant aussi « une contribution exceptionnelle des Français les mieux lotis ». Dans ce contexte budgétaire tendu, peut-on vraiment affirmer, comme le fait Michel Barnier, que ces baisses d’impôts ont largement profité aux citoyens ?
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, Bercy a remplacé l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) en 2018, introduit un prélèvement forfaitaire uniforme sur les revenus du patrimoine la même année, et progressivement éliminé la taxe d’habitation pour les résidences principales des foyers. En cumulant toutes ces modifications et autres ajustements fiscaux depuis 2017, la réduction des prélèvements obligatoires a représenté une charge annuelle de 31,2 milliards d’euros pour les finances publiques, d’après la Fondation Jean-Jaurès. Cela inclut la suppression de la taxe d’habitation, les réformes fiscales touchant les impôts sur le revenu et la fortune immobilière, la fin de la redevance audiovisuelle et la réduction des cotisations pour les travailleurs indépendants.
Un impact « généralisé » de la suppression de la taxe d’habitation
Cette disposition a-t-elle véritablement aidé « de nombreux français » ? Considérée comme un pilier du premier mandat d’Emmanuel Macron, l’élimination de la taxe d’habitation est perçue comme un moyen de renforcer le pouvoir d’achat. Elle a d’abord allégé la charge fiscale pour les 80 % des ménages les moins aisés en 2018 avec une réduction de 30 %, puis de 65 % en 2019, pour être complètement abolie en 2020. Pour les 20 % restants, une suppression progressive a été mise en place entre 2021 et 2023. Depuis début 2023, seuls les propriétaires de résidences secondaires continuent de la payer.
Un an après le démarrage de la réforme, en 2019, environ 24,1 millions de foyers devaient encore s’acquitter de cette taxe pour leur résidence principale, avec une contribution moyenne de 383 euros par foyer, selon une note du ministère des Finances.
Paul Dutronc-Postel, économiste à l’Institut des politiques publiques (IPP), affirme que la taxe d’habitation était une de ces mesures ayant un « impact très global » sur la population. Pourtant, le bilan nécessite quelques bémols : une partie du pouvoir d’achat libéré a été absorbée par la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, comme l’indiquait Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, au vu des analyses de l’IPP. Parmi tous les ajustements fiscaux réalisés, celui-ci reste le plus onéreux pour l’État, coûtant 18,2 milliards d’euros par an depuis sa généralisation, selon la Fondation Jean-Jaurès.
La « taxe unique » avantageant les plus riches
La « flat tax », introduite en janvier 2018, se traduit par un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus de l’épargne ou du capital financier. Elle simplifie le système précédent, qui imposait ces revenus selon un barème progressif allant jusqu’à 45 % et intégrait également des prélèvements sociaux. À présent, les contribuables ont le choix de rester sous l’ancien système ou d’opter pour la nouvelle taxation.
Pour l’année 2022, parmi les 40,7 millions de déclarations déposées, seulement 18,2 millions de foyers ont été soumis à l’impôt sur le revenu, sans précision sur ceux qui ont choisi la « flat tax ». Les plus hauts revenus, représentant le 0,1 % des contribuables, auraient vu leur niveau de vie grimper de 3,8 % grâce à cette réforme, d’après une étude de l’IPP.
L’IFI épargne de nombreux assujettis à l’ISF
Inauguré sous le mandat de Macron, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ne concerne que les patrimoines immobiliers dépassant 1,3 million d’euros. En 2023, quelque 176 000 foyers y étaient assujettis, rapportant 1,9 milliard d’euros, un chiffre bien inférieur aux 4,2 milliards générés par l’ISF en 2017, qui touchait 358 000 ménages. Un rapport de France Stratégie a mis en exergue que deux tiers des foyers précédemment soumis à l’ISF en 2017 n’étaient plus redevables de l’IFI en 2018. Pour les plus riches, ces évolutions ont entraîné une hausse du niveau de vie de 2,1 % durant l’année 2022.
Des résultats positifs soulignant des inégalités
Une note de l’Institut des politiques publiques a évalué les répercussions des réductions d’impôts, conjuguées à diverses réformes sociales, sur le niveau de vie des ménages durant le premier mandat de Macron. Il en ressort un « gain moyen de 1,9 % du niveau de vie » pour l’ensemble des familles, principalement attribué aux diminutions des prélèvements obligatoires. Toutefois, ce gain cache des disparités, notamment entre les 5 % de foyers les plus modestes, qui n’ont vu leurs revenus progresser que de 0,8 %, et les 1 % les plus riches dont le niveau de vie a crû de 3,3 %.
Malgré une amélioration moyenne, un quart des ménages ont subi un recul de leur pouvoir d’achat, avec des bénéfices marqués pour certaines classes, surtout parmi les actifs. Les dispositifs fiscaux sur le capital, comme la « flat tax » et l’IFI, ont surtout profité aux catégories les plus aisées.
Face aux critiques et en vue du prochain projet de budget pour 2025, Michel Barnier a révélé de nouvelles mesures ciblant les foyers les plus fortunés. En parallèle, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a rassuré sur le fait qu’aucune hausse de l’impôt sur le revenu n’était prévue pour les classes moyennes.