Dans l’émission Tout Public diffusée le jeudi 31 octobre 2024, Charlotte Dordor, autrice de « Le retour de Janvier », discute du lien entre les romans d’anticipation et le changement climatique. Elle est accompagnée de Reda Kateb, venu présenter son film « Sur un fil », ainsi que de Sandrine Collette, qui évoque son œuvre « Madeleine avant l’aube », laquelle figure parmi les finalistes du Prix Goncourt 2024.
Face à des inondations exceptionnelles qui ont récemment frappé le sud-est de l’Espagne, la question se pose : la fiction sur le changement climatique ne rejoint-elle pas progressivement notre réalité ? C’est une interrogation soulevée par le roman de Charlotte Dordor, Le retour de Janvier (édité chez Julliard et Pocket), livré aux lecteurs en 2023. Ce récit dépeint une société où La Rochelle est submergée par une montée des eaux sans précédent, nécessitant une adaptation au quotidien où « vivre au rythme de l’eau » devient la norme et où « la population doit régulièrement se déplacer en barque » en raison de l’élévation du niveau marin.
Charlotte Dordor partage : « Dans mon récit, de nombreux personnages expriment souvent leur soulagement en se disant que leur situation est encore favorable par rapport à d’autres régions où les choses semblent bien pires, ce qui leur donne l’illusion que la catastrophe et le changement climatique ne les concernent que marginalement ». À l’aune des événements en Espagne, cette attitude reflète une déconnexion collective. Elle poursuit : « On pourrait croire que seule l’Espagne subit cette malchance, alors qu’en réalité, ce phénomène touche aussi la France et bien d’autres régions », met-elle en garde.
L’autrice s’explique davantage sur ses intentions : « Je voulais briser l’idée que l’effondrement est soudain et cataclysmique. Beaucoup imaginent une apocalypse fracassante, alors que, malheureusement, c’est une transformation lente qui s’installe, nous offrant ainsi le confort d’un déni persistant. »
Reda Kateb : éclosion d’un cinéaste
L’émergence de cette vocation pour Reda Kateb découle de sa passion pour l’univers des clowns, ces artistes à la croisée de la scène et du soin, ce qui l’a inspiré à en faire le sujet central de sa première réalisation cinématographique. Son film, Sur Un Fil, raconte l’histoire de Jo, acrobate qui, après un accident, trouve une nouvelle vocation comme clown hospitalier. Dans ce contexte, elle se lie avec un enfant malade, aboutissant à un « coup de foudre » mutuel où chacun s’apporte réciproquement. Cependant, Kateb insiste : pas question de verser dans le mélo. « Je n’avais aucune envie de manipuler les émotions autour de la maladie de l’enfant avec des questions telles que ‘Va-t-il survivre ?’. Pour éviter cela, il a choisi « l’angle du clown », tout en présentant une image réaliste et directe de l’hôpital et de la maladie, des thèmes qu’il estimait devoir aborder avec franchise.
« Je suis très fier d’avoir pu filmer Aloïse Sauvage dans son premier rôle principal au cinéma. »
Reda Kateb42mag.fr
L’actrice et artiste aux multiples talents, Aloïse Sauvage, tient dans ce film son premier rôle principal au cinéma, un personnage créé sur mesure pour elle, élaboré en collaboration étroite avec Kateb. « Elle s’est engagée avec moi dans ce projet depuis presque cinq ans, puisque nous avons conçu ce rôle pour elle en lui faisant lire toutes les versions du scénario », raconte-t-il avec fierté. Sur Un Fil a été projeté pour la première fois sur les écrans le mercredi 30 octobre 2024.
Sandrine Collette, en lice pour le Prix Goncourt 2024
À quelques jours de la remise du Prix Goncourt 2024, l’émission Tout Public accueille trois des quatre auteurs finalistes avant que le nom du lauréat ne soit dévoilé le lundi 4 novembre. Sandrine Collette, avec son ouvrage Madeleine avant l’aube, succède à Hélène Gaudy et Gaël Faye dans cette séquence.
Son roman, qu’elle décrit volontiers comme étant un subtil mélange de réalités sociales, d’éléments fantastiques et de récits ruraux, évoque selon ses termes « l’histoire intemporelle des relations de domination entre les hommes ». Le cadre du livre semble indéterminé, avec des éléments évoquant une période antérieure à la Révolution, situés dans une campagne française qui pourrait bien être le Morvan, région où réside l’auteure, offrant « un espace pour que l’histoire prenne toute son ampleur ».
« Ce qui m’intéresse ce sont les petites gens et les révoltes minuscules. »
Sandrine Collette42mag.fr
Dans ce récit sombre et profond, Sandrine Collette mise sur Madeleine, héroïne porteuse d’un souffle de rébellion là où les autres personnages acceptent l’ordre établi. Cette mise en avant de la figure féminine relève d’un choix pleinement assumé par l’écrivaine. « Les femmes se sont presque toujours révoltées d’abord. Les hommes ont suivi, repris le flambeau et occupé le devant de la scène », déclare-t-elle. Elle décrit son protagoniste comme « bien plus courageuse [qu’elle-même] », admettant : « Je suis bien trop craintive pour oser ce qu’elle ose. Peut-être est-ce ce que j’aurais aimé accomplir, à ma manière ».
Dans l’attente du verdict concernant le Prix Goncourt 2024, Madeleine avant l’aube (publié par JC Lattès) est d’ores et déjà disponible en librairie.
L’émission a bénéficié de l’intervention de Thierry Fiorile, journaliste pour le service culture de 42mag.fr.