L’attente était grande concernant les déclarations de l’ancienne députée européenne, qui continue d’exercer son mandat de députée en France, devant le tribunal correctionnel de Paris.
Elle a pris de l’avance. Ce lundi 14 octobre, Marine Le Pen est arrivée dans la salle d’audience, chargée de nombreux dossiers rangés dans des chemises aux couleurs vives et accompagnés de petites fiches blanches, déposées soigneusement sur le pupitre. Prête à affronter la série de questions du tribunal correctionnel de Paris où elle est jugée depuis le 30 septembre dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du Front national. Portant un costume noir sur une chemise blanche, elle s’est installée sur le banc des accusés. “Pas besoin de préparation quand on dit la vérité”, a-t-elle déclaré à quelques journalistes avant de franchir le seuil de la salle, elle qui est désormais à la tête du groupe Rassemblement national à l’Assemblée nationale.
La présidente de la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Bénédicte de Perthuis, a commencé par rappeler les accusations portées contre l’ex-eurodéputée : le détournement de fonds publics provenant du Parlement européen, utilisés pour payer quatre de ses assistants parlementaires européens entre 2009 et 2016. Ceux-ci travaillaient, en réalité, pour le Front national, devenu depuis Rassemblement national.
« Le Parlement européen, attention au monstre ! »
Ce premier jour d’interrogatoire s’est focalisé sur les contrats de Catherine Griset, signés entre décembre 2010 et février 2016. “Je l’ai rencontrée il y a bien longtemps, elle avait 20 ans quand je l’ai embauchée en tant que secrétaire dans mon cabinet d’avocat”, commence Marine Le Pen, d’un ton posé. “Elle m’a accompagnée tout au long de ma carrière”, ajoute la députée d’extrême droite, précisant que Catherine Griset était déjà l’une de ses assistantes lorsqu’elle a mis en place un service juridique au sein du Front national en 1998.
Interrogée sur le reste de son parcours, l’ancienne eurodéputée mentionne son premier mandat au Parlement européen, de 2004 à 2009, période antérieure aux faits qui lui sont reprochés. Peu importe : pour Marine Le Pen, c’est l’occasion de partager sa vision peu flatteuse de l’institution européenne dans un discours teinté de politique. “Le Parlement européen, attention au monstre !”, s’exclame-t-elle. “Tout est conçu pour que le député européen vive dans une bulle. Il faut parfois leur rappeler ‘Coucou, on fait de la politique, il faut sortir et défendre notre action’. Rien de plus néfaste qu’un député déconnecté des électeurs une fois élu”, déclare Marine Le Pen, utilisant même l’expression “perdus pour la cause”. Une formulation que Patrick Maisonneuve, l’avocat du Parlement européen, lui demande de clarifier. Pour elle, un élu “se laisse dévorer par le monstre !”. Marine Le Pen hausse le ton, accompagnant ses paroles de gestes empruntés aux meetings politiques.
« Aucune irrégularité, ni illégalité »
L’ancienne parlementaire européenne reste ferme : “Je considère que les députés œuvrent au service de leurs idées. Et qui soutient leurs idées ? Leur parti. L’activité politique d’un élu bénéficie à son parti”, assume l’ancienne présidente du RN. “Pour un député, la politique est une partie intégrante de son mandat”, insiste-t-elle. Selon elle, “un assistant sert son député et peut agir pour son député au bénéfice de son parti”, résume-t-elle ainsi l’ancienne présidente du Rassemblement national. “Cela se vérifie quand on regarde les nombreux députés qui ont commencé comme assistants parlementaires”, soutient-elle.
“C’est au député de définir la nature” du “travail” de l’assistant parlementaire, estime encore Marine Le Pen. “Il existe autant de types d’assistants que de besoins des élus”, insiste la responsable d’extrême droite. Elle maintient qu’aucune directive du Parlement européen ne stipule les missions spécifiques des assistants parlementaires européens, ce que le ministère public conteste plus tard lors de l’audience. Cette ligne de défense est privilégiée par le RN et ses dirigeants, qui ont toujours plaidé pour la liberté d’attribuer les tâches qu’ils souhaitaient aux assistants de leurs eurodéputés. Lorsqu’on l’interroge sur cette pratique alors que le FN ne comptait au Parlement européen que sept, voire trois députés, elle rétorque qu’elle “avait le sentiment de n’avoir enfreint aucune règle, ni commis de délit”.
Tout au long de sa prise de parole, Marine Le Pen est rarement interrompue par la présidente du tribunal. Cependant, lorsque les questions deviennent plus pointues, la prévenue semble moins assurée. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle a modifié le contrat de Catherine Griset en 2010, Marine Le Pen évite de répondre directement. “Ce qui peut apparaître évident aujourd’hui ne l’était pas forcément à l’époque”, se contente-t-elle de répondre, qualifiant son ancienne assistante parlementaire de “soutien crucial” [pour] son mandat”. Son interrogatoire doit se poursuivre mardi et mercredi.