Deux ex-chefs du gouvernement sous Emmanuel Macron se présentent pour diriger le parti présidentiel. Dans les coulisses, ils tentent de contourner une confrontation directe, mais leur rivalité expose les divisions internes d’une organisation en proie à des incertitudes, suite à des échecs électoraux répétés.
Le match semble prêt à démarrer, bien que la candidature de Gabriel Attal à la présidence du parti Renaissance n’ait pas encore été annoncée officiellement. Cependant, ce projet semble inévitable. Sur son chemin, il croisera l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, qui a annoncé ses intentions à la fin du mois d’août. Tous deux ont occupé par le passé le poste de Premier ministre, mais eux seuls devront s’affronter pour prendre les rênes du parti créé par Emmanuel Macron. Un comité exécutif organisé le jeudi 10 octobre au soir devra décider des modalités de la procédure de vote lors du congrès, où sera élu le nouveau chef du parti.
Cette confrontation met en lumière des tensions palpables à moins de deux ans et demi des prochaines élections présidentielles. Les discussions se concentrent notamment sur la date du congrès, objet de manœuvres entre les partisans de Borne et ceux d’Attal. Les Borne’s souhaitent repousser cette échéance, espérant assimiler les éléments de la « grosse séquence politique de cet automne », marquée par la présentation d’un budget très complexe à l’Assemblée nationale. Un représentant des élus départementaux du parti, soutenant Gabriel Attal, met en garde : « Si c’est acté, plein de présidents [d’assemblées départementales du parti] vont démissionner ». Les partisans d’Attal souhaitent que le vote ait lieu cet automne pour rediriger rapidement Renaissance après le départ de Stéphane Séjourné, devenu commissaire européen. « Les tentatives de repousser le congrès reposent sur un seul argument : bloquer la candidature d’Attal », déclare le sénateur Xavier Iacovelli.
Être simultanément leader du parti et des députés : un mauvais choix ?
En attendant que le bureau exécutif statue, Élisabeth Borne s’emploie à convaincre les leaders régionaux du parti en multipliant ses déplacements – déjà plus d’une vingtaine. « Nous avons dû reconquérir des territoires perdus, là où nous n’avons plus de parlementaires », confie un de ses affiliés. De son côté, Gabriel Attal mobilise lui aussi lors d’un « Attal Tour » pour rencontrer les partisans. Sa véritable entrée en campagne s’est faite avec une interview au Figaro et une tribune de soutien dans L’Opinion, soutenue par 62 présidents d’assemblées départementales.
Les alliés d’Attal veulent l’imposer comme le candidat favori avant même la déclaration officielle. « Ce combat n’en est pas un. Il va remporter le duel rapidement : par son profil, sa popularité, et le soutien des députés et départements. », assure un député du groupe EPR. « Pourquoi Élisabeth Borne s’aventure-t-elle dans un combat voué à l’échec ? », s’interroge un cadre, tandis que Mounir Belhamiti soutient qu’il n’y a « pas de vraie concurrence ».
« Gabriel Attal a le large soutien de la base militante. »
Mounir Belhamiti, président de l’assemblée départementale de Loire-Atlantiqueà 42mag.fr
Les dernières semaines ont ébranlé le camp des « bornistes ». « Qu’importe la méthode de désignation, militants ou leaders, c’est lui qui gagnera », prévoit une ministre du gouvernement Barnier. Malgré cela, l’entourage de Borne réfute toute disproportion dans cette bataille et met en avant ses chances de surprendre. Les partisans de Borne argumentent qu’avoir le même leader pour le groupe parlementaire et le parti n’est « pas judicieux », car « à l’Assemblée, il faut du compromis; un chef de parti doit par contre défendre une vision ferme ». Un cadre encore non décidé estime que le cumul des rôles n’est pas indispensable « pour que les deux structures dialoguent ».
Borne juste présente pour bloquer l’accès à Attal ?
Un autre argument concerne le désir de l’ex-présidente de la RATP de réformer profondément Renaissance. « Le parti aujourd’hui est presque inexistant, affirme Ludovic Mendes. Élisabeth Borne a véritablement l’intention de le refonder en profondeur. » Les pro-Attal, eux, soulignent qu’il représente tous les courants du parti. « Nous avons besoin de quelqu’un qui incarne toutes les tendances et leur permet de s’exprimer », affirment les contributeurs de la tribune dans L’Opinion.
« Gabriel Attal a su fédérer et porter ses convictions sans diviser notre unité. »
Une soixantaine de dirigeants départementaux de RenaissanceDans « L’Opinion »
D’après ses opposants, Élisabeth Borne ne serait présente que pour empêcher Gabriel Attal de devenir à la fois chef de groupe et de parti. « Comment prôner le rassemblement tout en se présentant uniquement pour bloquer quelqu’un », grince un partisan d’Attal. « Elle est soutenue par les rivaux d’Attal pour 2027, ce qui ne rend pas sa candidature cohérente », renchérit un député. Selon un proche d’Emmanuel Macron, « le vrai duel se joue entre Attal et Darmanin. Borne ne rassemble pas. »

Gabriel Attal a pour lui un atout majeur : son rôle décisif lors des dernières législatives. « C’est lui qui a sauvé le camp présidentiel », résume une ministre, se référant aux nombreux déplacements qu’il a effectués pour soutenir les candidats. « Pour les députés, il est perçu comme le sauveur, l’allié, l’homme de l’unité. Élisabeth Borne ne peut contrer ça », affirme un proche du président Macron.
Points d’accord et divergences
Les différences sont multiples entre Borne et Attal, que ce soit dans leur approche pour conquérir le parti, leur image ou leurs alliés. Mais qu’est-ce qui les distingue véritablement ? Tous deux issus de la gauche, anciens collaborateurs de ministres socialistes, chacun a marqué de sa personnalité le macronisme depuis qu’ils ont rejoint le gouvernement : 2017 pour Borne et 2018 pour Attal. « Ils appartiennent à la même famille politique », affirme un proche d’Elisabeth Borne.
« Ils entretiennent une certaine proximité, même si leurs styles de gouvernance diffèrent », souligne Ludovic Mendes. « Ils ne partagent pas les mêmes idées sur certains sujets comme l’importance des jeunes ou encore la notion d’excuse de minorité, sujet central lors des législatives pilotées par Attal. » La ligne du député des Hauts-de-Seine semble destinée à rassembler les diverses sensibilités, considère l’ancien ministre Franck Riester, co-auteur de la tribune récente.
« Gabriel se place au centre de notre famille politique. »
Franck Riester, député EPRà 42mag.fr
En ce qui concerne 2027, leurs ambitions divergent aussi. Gabriel Attal, connu pour être le plus jeune Premier ministre de la Ve République, semble attendre l’opportunité présidentielle. En devenant chef du parti et du groupe, il pourrait jouer un rôle décisif au sein du bloc central pour l’Elysée. « Cela ferait de lui le principal héritier du macronisme. Avec les fonds du parti, il pourrait financer ses ambitions présidentielles », anticipe un conseiller ministériel. De son côté, Élisabeth Borne semble moins intéressée par une telle perspective. « Pour l’instant, elle n’envisage pas 2027 », affirme son équipe.
Des pourparlers pour éviter la rupture
Officiellement, les partisans des deux candidats s’accordent sur l’idée d’éviter une « guerre interne ». Avec ses 95 députés, Renaissance ne domine plus le parlement comme autrefois. « Sans une ligne politique claire, nous n’avons pas de futur », enquête Franck Riester.
Face à une éventuelle campagne tumultueuse, l’idée d’un retrait d’un des candidats circule. « Des discussions se poursuivent chaque jour, ce qui est positif », soutient le sénateur Xavier Iacovelli. Un acteur clé du parti espère que Gabriel Attal prenne la tête tandis qu’Élisabeth Borne devienne secrétaire générale adjointe. « Je pense qu’ils trouveront un accord avant la décision finale », espère-t-il, soulignant le besoin urgent d’une orientation claire pour le parti.