Marine Le Pen a affirmé lors d’un rassemblement à Nice, dimanche, que le respect de l’État de droit ne devrait pas être « contesté ». Ses déclarations peuvent paraître modérées à première vue. Cependant, dans la pratique, la dirigeante du parti d’extrême droite adopte souvent des positions plus extrêmes que celles du ministre de l’Intérieur.
Lors d’un rassemblement organisé à Nice le dimanche 6 octobre, Marine Le Pen a revendiqué une « divergence majeure » vis-à-vis de Bruno Retailleau. La dirigeante de l’extrême droite se présente désormais comme la protectrice de « l’État de droit ». Le ministre de l’Intérieur a suscité la controverse en déclarant que l’État de droit n’était « ni sacré, ni intangible ». Marine Le Pen, quant à elle, s’oppose fermement à cette idée, soulignant qu’il est crucial de ne pas remettre en cause cet État de droit. Selon elle, « l’État de droit signifie que chacun doit se plier aux règles définies démocratiquement, et cela représente une avancée majeure de la civilisation européenne. »
Elle se permet de prodiguer une leçon de tempérance au ministre de l’Intérieur, cherchant à démontrer qu’elle est, elle au moins, digne de confiance et responsable. Toujours cette quête inlassable de respectabilité publique. Cependant, sur le fond, Marine Le Pen se montre encore plus extrême que Bruno Retailleau. En effet, au cours du même discours, elle a accusé les gouvernements successifs d’avoir transformé l’État de droit en « un outil de soumission des peuples, qui n’auraient plus la capacité démocratique de faire évoluer la législation ». « Cela, nous ne l’accepterons jamais ! », a-t-elle proclamé vigoureusement, incitant les électeurs à s’opposer à cet État de droit, puisque selon elle, leur voix ne serait plus représentée. En outre, il est bon de rappeler que l’essentiel du programme du RN, et notamment le concept discriminatoire de « préférence nationale », va à l’encontre de la Constitution et est donc incompatible avec l’État de droit actuel.
Connaissons-nous tous ce célèbre proverbe chinois : « Quand le sage pointe la lune, l’imbécile fixe le doigt. » Quand Marine Le Pen brandit le doigt de la « dédiabolisation », il est préférable d’observer le véritable projet du RN, autrement dit la lune. Cependant, cette danse un peu confuse illustre également le désarroi au sein du RN.
La stratégie du Rassemblement national
Le parti de l’extrême droite se retrouve dans une situation délicate. N’étant pas au pouvoir, il souhaite néanmoins accorder une chance à Michel Barnier. Mais cela comporte le risque de se retrouver dans la position inconfortable de soutiens du gouvernement, un rôle que le RN critiquait auparavant chez la droite. Cette stratégie du « en même temps » devient délicate à gérer lorsque Bruno Retailleau intensifie ses déclarations fermes concernant l’immigration et la sécurité. Marine Le Pen a même affirmé, dimanche, qu’il est un « ardent défenseur du programme souverain » du RN. Il est alors possible que certains électeurs de Marine Le Pen soient tentés de revenir vers cette droite plus virulente. C’est d’ailleurs ainsi que Nicolas Sarkozy avait réussi à attirer les voix de Jean-Marie Le Pen, qui n’avait récolté que 10 % des suffrages lors de la présidentielle de 2007. En parlant de cette élection, qui était à la tête de la stratégie de campagne pour le Front National ? Une certaine Marine Le Pen.