Catherine Griset, qui a accédé au poste d’eurodéputée en 2019, a eu des difficultés à persuader le tribunal qu’elle accomplissait des tâches pour le compte du Parlement européen plutôt que pour le Front national, ce qui est pourtant l’accusation portée contre elle par la justice.
« J’ai toujours œuvré pour Marine Le Pen, non pour le parti »
Juchée sur ses talons élégants, Catherine Griset reste debout avec détermination devant le tribunal. Entre 2010 et 2016, période durant laquelle Marine Le Pen siégeait en tant qu’eurodéputée, elle explique que ses tâches correspondaient bel et bien à celles d’une assistante parlementaire européenne. Pour prouver ses dires, elle a présenté plusieurs centaines de courriels devant le tribunal correctionnel de Paris, où elle est jugée pour recel de détournement de fonds publics. La justice lui reproche d’avoir touché des salaires versés par le Parlement européen pour un poste d’assistante parlementaire accréditée, alors qu’en fait, elle occupait les fonctions d’assistante puis de cheffe de cabinet au sein du Front National, lorsque Marine Le Pen en était la présidente.
Catherine Griset insiste sur le fait qu’elle a joué un rôle de liaison, opérant entre les deux casquettes de Marine Le Pen, à savoir celle de présidente du Front National et celle d’eurodéputée. Cette situation amène la présidente de la 11e chambre du tribunal, Bénédicte de Perthuis, à s’interroger. Elle cherche à comprendre le rôle exact de l’ancienne assistante, maintenant députée européenne depuis 2019, en particulier dans la préparation des discours de Marine Le Pen. Catherine Griset explique : « Je les reçois, je les mets en forme d’une manière très précise, je lui remets, et elle les ajuste ensuite. » Elle ajoute qu’elle était aussi chargée de gérer l’agenda de Marine Le Pen, parmi d’autres tâches. « Je fais office de porte d’entrée pour Marine Le Pen. Les personnes souhaitant la rencontrer ou lui parler passent par moi. »
« Je regrette, mais je n’avais pas compris »
Un autre point soulevé par la présidente du tribunal concerne la présence de Catherine Griset à Bruxelles. En effet, son contrat d’assistante parlementaire accréditée stipulait qu’elle devait résider de façon permanente à Bruxelles, contrairement à d’autres types de contrats. Catherine Griset explique au départ qu’elle avait sincèrement la volonté de s’installer à Bruxelles, mais elle reconnaît ensuite rentrer régulièrement à Paris, où vivait sa fille : « Je n’avais pas compris que je devais être en permanence à Bruxelles, je suis désolée de l’admettre maintenant. »
S’appuyant sur cette déclaration, la présidente du tribunal pousse son questionnement : « À quelle fréquence étiez-vous présente à Bruxelles ? » « Je dirais deux nuits par semaine », répond Catherine Griset. « Donc, si vous passez deux nuits dans un endroit et le reste ailleurs, on peut supposer que votre résidence principale est ailleurs, n’est-ce-pas ? » poursuit Bénédicte de Perthuis. Face à cette logique, Catherine Griset reste silencieuse. La magistrate en déduit que la résidence principale à Bruxelles n’a jamais vraiment été respectée.
> »Je n’ai peut-être pas compris qu’il fallait être à Bruxelles mais j’ai fait mon travail. Je n’ai pas l’impression d’être une criminelle. »
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>— Catherine Griset, devant le tribunal correctionnel de Paris
Des courriers électroniques, projetés sur l’écran installé pour l’audience, s’ajoutent pour étayer ses propos. Catherine Griset explique en recevoir 500 par jour, affirmant que la majorité de son temps de travail s’y consacrait. « Ces échanges de mails concernaient des questions européennes », affirme-t-elle, quelque peu ébranlée mais tentant de rester digne. Son avocat, présent auprès d’elle, intervient pour appuyer : « Toutes ces pages sont en rapport avec le Parlement européen », insiste Georges Sauveur. La présidente du tribunal critique cette intervention – « Vous n’êtes pas obligé de souffler les réponses ! » – tandis que l’accusation s’interroge sur les passages effacés dans ces messages.
« Je ne fais pas fi des règles »
L’avocat représentant le Parlement européen, Patrick Maisonneuve, rebondit sur les faits : « Vous étiez l’assistante parlementaire de Marine Le Pen, mais n’étiez-vous pas aussi au service de Marine Le Pen, présidente du Front National ? » Catherine Griset esquive la question avec finesse : « J’étais l’assistante parlementaire de Marine Le Pen, qui cumulait les fonctions de présidente et de députée européenne. » Elle résume sa mission par cette formule : « Je sers la personnalité de Marine Le Pen. »
Interrogée par les journalistes, Marine Le Pen se dit satisfaite des réponses fournies par son ancienne collaboratrice. « Catherine Griset a apporté dans le débat des centaines de preuves témoignant de son rôle d’assistante parlementaire. Je pense qu’il n’y a plus lieu de contester cela », déclare-t-elle pendant une pause de séance. Lorsque l’audience reprend, elle affiche sa confiance à la barre et affirme :
> »Nous n’avons pas à rougir du travail de nos assistants parlementaires. Ils ont accompli les tâches qu’on attendait d’eux. »
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>— Marine Le Pen, ancienne présidente du Front National, devant le tribunal correctionnel de Paris
Avec autorité, la dirigeante d’extrême droite reprend son discours politique et affirme avec aplomb à la présidente : « La vérité s’impose d’elle-même, voilà ce que j’en pense ! » Selon elle, elle ne s’est jamais détournée des règles : « Je respecte les règles, à chaque fois que nous les avons connues, nous les avons suivies. »