Dans le domaine discret de la justice, certains avocats suscitent de l’irritation en raison de leurs honoraires, pouvant atteindre 50 000 euros pour traiter une affaire. Ces montants peuvent être augmentés par des bonus supplémentaires lorsque leurs clients sont libérés. Il est également à noter que ces paiements sont fréquemment réalisés en liquide, parfois au mépris des obligations fiscales en vigueur.
La gestion trouble des espèces par les avocats des trafiquants
(OEIL DU 20 HEURES)
En mars précédent, lors d’une séance au Sénat visant à examiner les lacunes dans la lutte contre le trafic de drogue, une observation du procureur de Marseille a été discrètement glissée dans les discussions. Avec une approche critique, il a évoqué un sujet souvent esquivé : « Nous restons discrets sur les pratiques de paiement de certains avocats » . Ce sujet touche un point sensible : dans le domaine des infractions liées aux drogues, les avocats sont généralement réglés en espèces.
Un avocat, habitué à ces affaires, affirme que les honoraires peuvent aller jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros. « Bien sûr, tous les avocats ne sont pas concernés, mais il n’y a presque jamais de cas en dessous de 10 000 euros. Pour les cas sérieux, cela peut monter à 40 000 ou 50 000 euros. » Ce barème de prix est corroboré par diverses sources judiciaires.
D’après lui, il existe également des incitations financières si le client est libéré, appelées « bonus, pouvant s’élever entre 100 000 et 300 000 euros ». Pour beaucoup dans cette profession, ces sommes représentent presque deux ans de revenu. « Mais il faut réussir, sinon le remboursement est inévitable, et il s’effectue selon leurs conditions, pas celles du tribunal de commerce. »
Des factures fictives de 1 000 euros
La loi impose une limite de 1 000 euros pour les paiements en espèces, ce qui complique les opérations légales pour les avocats. Pour contourner cette règle tout en respectant la légalité, certains avocats ont recours à de fausses facturations.
Un avocat déclare : « Nous avons trop de liquidités. Pour payer nos frais, nos partenaires et nos locaux, nous devons déposer cet argent. Mais cela nécessite une trace de facturation, que nous devons donc falsifier. »
Pour justifier les versements bancaires, cet avocat divise ses honoraires en fausses factures de consultations que nous avons pu examiner. Que ce soit pour des audiences devant un juge d’application des peines ou des visites en détention, le montant standard de ces procédures est de 1 000 euros, même si elles n’ont jamais été réalisées.
Il risque de sévères sanctions pour ces pratiques, potentiellement jusqu’à des poursuites pénales. « Nous enfreignons la loi fiscale, c’est le seul moyen de pratiquer notre métier. C’est extrêmement frustrant, » se désole-t-il, soulignant la nature paradoxale de ces règlements.
L’argent provient-il du trafic ?
Plusieurs avocats affirment que cette approche est répandue. Toutefois, les avocats pénalistes refusent de restreindre les paiements en liquide. Selon Me Romain Boulet, représentant de cette catégorie, de l’argent sale, une fois déclaré, peut être bénéfique pour les finances publiques.
« Je ne me leurre pas. Je suis conscient que l’argent de ces infractions alimente le train de vie de luxe des trafiquants, mais il peut aussi rémunérer un avocat. En payant des impôts sur cet argent, l’avocat contribue au budget de l’État, notamment pour des services publics comme les écoles et les prisons, » explique-t-il. Il argue que cet argent retournant dans le système légal n’est pas différent de certaines pratiques étatiques, telles que celles de l’Agrasc.
Bien que le fisc ou la police puissent enquêter sur les sources de revenus des avocats, ces derniers opposent souvent le secret professionnel, un recours qui a jusqu’à présent été bien reçu. Au cours des dix dernières années, à Paris, environ vingtaine d’avocats ont été perquisitionnés, mais en général, ils ont pu préserver la confidentialité de leurs transactions.
Sources parmi lesquelles :
- La commission d’enquête sénatoriale sur l’impact du narcotrafic