Des recherches récentes montrent que les enfants – et leurs parents – passent de plus en plus de temps devant les écrans : 36 heures par semaine en moyenne en France. Le dernier projet du photographe Jérôme Gence « La génération écran » explore l’usage des appareils et ses conséquences.
Pendant trois ans, le photojournaliste Jérôme Gence, également data analyst indépendant, s’est intéressé à l’usage des écrans par les enfants en France, au Népal et en Inde.
Il a rendu visite aux enfants et aux parents à domicile, rencontré un psychologue traitant de l’addiction aux écrans, s’est rendu dans un centre d’assistance en charge du cyberharcèlement et dans un hôpital de Toulouse utilisant les technologies numériques pour réduire la douleur des enfants hospitalisés.
Sa série de photos « La génération écran » a été présentée au festival Visa pour l’image de Perpignan.
42mag.fr : De quoi parle votre projet « La génération écran » ?
Jérôme Gence : J’essaie d’expliquer le succès du monde numérique aujourd’hui aux enfants, et je pense que la réponse est : dans le monde réel, quelles sont les valeurs que nous transmettons à la prochaine génération ?
Un autre point est que nous donnons autant de pouvoir à seulement quelques entreprises technologiques dans le monde, qui appartiennent à des investisseurs et ces investisseurs collectent des données.
Et la cible principale, je dirai, ce sont les enfants et la prochaine génération, car ils seront les adultes de demain.
Je pense que nous sommes confrontés à une bombe à retardement pour des milliards d’enfants et pour la prochaine génération.

42mag.fr : Quelle a été la réaction des parents lorsque vous leur avez posé des questions sur l’utilisation des écrans, des smartphones, etc. par leurs enfants ?
JG : Au cours de ce reportage photo, je n’ai rencontré aucun parent qui disait : « Je veux que mes enfants soient connectés le plus possible ».
J’ai rencontré des parents qui disaient : « Je me sens impuissant parce que si je donne ces appareils à mes enfants, je perds le contrôle. Mais si je ne leur donne pas d’appareil, ils vont être exclus de la société.
Le mot « appareil » est très important car il ne concerne pas uniquement les smartphones ou les tablettes. Il s’agit de la façon dont l’écran entoure aujourd’hui la vie des enfants.
Un psychologue spécialisé dans les addictions que j’ai rencontré dans le cadre de ce projet m’a dit que « pour comprendre le comportement des enfants, il faut comprendre l’addiction des parents ».
Aussi, il y a quelques jours, j’étais dans un magasin de glaces. Pour commander une glace, vous la commandez d’abord sur un écran, puis vous parlez à un être humain pour lui dire « c’est la saveur que je veux ».
Nous mettons donc un écran comme interface entre deux êtres humains.
Pour moi, c’est une sorte de trafic d’êtres humains vers le prochaine génération.
42mag.fr : Ce sujet est complexe, que faire ?
JG : Je pense que nous devons d’abord en parler et nous devons apporter de l’éducation. Et l’éducation s’accompagne également de réglementations.
Je pense que l’éducation est la clé, mais le problème est qu’aujourd’hui, même dans l’éducation, nous donnons tellement de pouvoir au numérique, à l’écran, simplement parce que les écrans, à court terme, vont aider les enfants.
C’était tellement complexe de faire ce projet car on a des problématiques différentes selon les pays.
Les enjeux ne sont pas les mêmes au Népal, en Inde et dans les pays en développement en général que dans les pays riches.