Un mois après avoir pris ses fonctions à Matignon, le chef du gouvernement a été interrogé jeudi soir sur ses plans pour la France. Cette session a été suivie de débats animés impliquant six représentants des trois principaux groupes politiques du pays.
Les enjeux sérieux ont débuté pour Michel Barnier et son « socle commun ». Mardi 1er octobre, le Premier ministre a prononcé sa déclaration de politique générale, mettant en avant les efforts demandés aux citoyens pour améliorer une situation budgétaire particulièrement tendue. Deux jours plus tard, sur France 2, il défendait cette ligne directrice.
L’interview a été suivie d’un débat animé avec six dirigeants des principaux partis politiques : Manuel Bompard (La France insoumise), Olivier Faure (Parti socialiste), Aurore Bergé (Renaissance), Marc Fesneau (MoDem), Eric Ciotti (Union des droites pour la République) et Laure Lavalette (Rassemblement national). Franceinfo a examiné cinq affirmations faites au cours de cette soirée politique animée sur France 2.
Michel Barnier dirige un gouvernement « moins minoritaire que les autres socles » : véridique
Pour Michel Barnier, le « socle commun » sur lequel repose son gouvernement est « moins minoritaire que les autres socles » au sein de l’Assemblée nationale. Cette affirmation se vérifie en additionnant les membres des différents groupes du bloc présidentiel (Ensemble pour la République, le MoDem et Horizons), totalisant 164 députés, et le groupe La Droite républicaine, qui en compte 47. Ainsi, ce « socle » réunit 211 députés, comparé aux 193 du Nouveau Front populaire et aux 142 députés du bloc du Rassemblement national et des soutiens de Ciotti.
Cependant, une alliance entre ces deux derniers blocs suffirait pour atteindre le seuil de 289 députés nécessaires pour renverser le gouvernement par une motion de censure.
Les charges liées à la dette s’élèvent chaque année à « 750 euros par Français », d’après Michel Barnier : c’est inexact
Michel Barnier a fait du redressement des finances publiques une priorité durant son mandat à Matignon. « La dette est actuellement de 3 220 milliards d’euros », a-t-il averti jeudi soir. Ce chiffre est précis et presque exact : « À la fin du deuxième trimestre 2024, la dette publique est de 3 228,4 milliards d’euros », selon la publication de l’Insee du 27 septembre.
« Nous payons 60 milliards, cette année, pour les intérêts, ce qui représente 750 euros de dette par Français, qu’il s’agisse d’un bébé d’un mois ou d’une personne âgée comme moi », a-t-il poursuivi, évoquant la charge de la dette. Pourtant, le montant le plus récent publié par l’Agence France Trésor à l’automne 2023 indique que « la charge budgétaire de la dette est prévue à 52,2 milliards d’euros » en 2024, soit moins que ce que Michel Barnier a avancé.
Bien que le détail du calcul du Premier ministre ne soit pas précisé, en divisant ces 52,2 milliards d’euros par 68 millions de Français, on obtient 767,7 euros, un chiffre légèrement supérieur à son estimation. Le prochain projet de loi de finances (PLF) pour 2025, révélé le 10 octobre, apportera des données actualisées sur l’impact de la dette en France.
Pour Michel Barnier, « les règles de Schengen permettent » de rétablir des contrôles aux frontières nationales : correct
Le Premier ministre veut instaurer des contrôles plus stricts sur les frontières de la France au sein de l’Union européenne. « Les règles de Schengen le permettent, selon lui. C’est ce que vient de faire l’Allemagne ».
Théoriquement, les contrôles aux frontières intérieures ne devraient pas exister. « Les règles de Schengen suppriment les contrôles aux frontières internes, tout en harmonisant et en renforçant la protection des frontières extérieures de la zone », indique le site du Parlement européen.
Mais en mai 2024, l’Union européenne a adopté une réforme du code Schengen. Désormais, « le code frontières Schengen (CFS) autorise les États membres à réintroduire temporairement les contrôles aux frontières intérieures en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure », explique la Commission européenne, tout en soulignant que « la réintroduction de ces contrôles doit être un dernier recours, dans des situations exceptionnelles, et doit respecter le principe de proportionnalité ».
Les Français « dans leur immense majorité, disent qu’il y a trop d’immigration » : plus nuancé
Eric Ciotti, président du groupe Union des droites, a exprimé son souhait d’organiser un référendum sur l’immigration. « Les Français, dans leur large majorité, parce qu’ils sont lucides, considèrent qu’il y a trop d’immigration », a-t-il affirmé, sans donner de précisions. Cependant, les chercheurs soulignent une réalité plus complexe : « 52% des personnes continuent de penser qu’il y a trop d’immigrés en France. En 1988, ils étaient 69% », précisait le sociologue Vincent Tiberj dans un entretien avec 42mag.fr en décembre dernier.
Ce sociologue, spécialisé dans les valeurs culturelles et ayant développé un indice annuel pour mesurer la tolérance des Français, soulignait toutefois que « d’après les derniers résultats de 2022, 78% des personnes estiment que l’immigration contribue à l’enrichissement culturel », montrant que les avis sur l’immigration sont variés. « En revanche, un signe de la tension autour de ce sujet est que 82% des Français considèrent qu’on ne peut pas discuter sereinement de l’immigration en France », révélait un sondage de l’Ifop en juin 2023.