C’est le jour qu’ils espéraient tant. En ce jeudi 28 novembre, les membres de La France Insoumise, bénéficiant de leur opportunité parlementaire annuelle, ambitionnent de voter pour l’annulation des réformes des retraites qu’ils contestent depuis longtemps. Cependant, ils pourraient ne pas sortir victorieux. Mathilde Panot décrit même cette situation en termes d' »autoritarisme » en raison de la tactique d’obstruction parlementaire employée, une méthode pourtant familière à LFI.
La niche parlementaire fonctionne un peu comme le conte de Cendrillon à l’Assemblée nationale : les législateurs ont jusqu’à minuit pour faire voter leurs projets de loi, et aucune minute supplémentaire n’est accordée.
La niche parlementaire, un piège pour LFI
Pour les députés du centre et de la droite, favorables au maintien de la réforme des retraites, la tactique consiste à déposer un grand nombre d’amendements. L’objectif est de prolonger les discussions afin de prévenir un vote.
Ils ont ainsi soumis 976 amendements. Comme chaque texte nécessite deux minutes pour sa présentation, il faudrait plus de 30 heures pour les aborder dans leur intégralité.
Cette tactique soulève la colère des députés insoumis.
« Je lance un appel solennel aux députés macronistes pour qu’ils retirent leurs amendements obstruants. »
Manuel BompardMatinale de France Inter
Face à un éventuel manque de coopération, il les avertit : « nous mènerons des actions d’affichage dans leurs circonscriptions », prévient-il. Ce travail a déjà été amorcé sur les réseaux sociaux.
Propositions pour renommer le projet de loi
Quant à Marc Fesneau, chef de file des Démocrates, il a déposé à lui seul 73 amendements. Parmi ceux-ci, 32 visent à changer le titre du texte proposé par LFI. Il suggère par exemple d’appeler cela une loi “de désinformation envers les Français”, ou encore “une menace patente envers l’avenir des retraités et la société en général”.
À sa sortie de l’assemblée, il défend son approche : “Avec 180 amendements, on ne cherche pas à déranger. Mme Panot et ses alliés devront accepter le jeu démocratique.”
Quand les critiques de l’obstruction s’y mettent
Jusqu’à ce moment-là, pour ce qui est des retraites, Marc Fesneau lui-même ainsi que la majorité présidentielle accusaient la faction de gauche de bloquer le processus législatif, et se moquaient de cette approche.
“Quand on substitue annuellement à chaque année et vice versa, on peut douter du rôle véritable du Parlement.”
Marc FesneauFrance Inter (2020)
En 2023, Olivier Dussopt, alors ministre, déclarait même devant l’assemblée que “les 20 500 amendements des membres de la NUPES ont entravé l’examen complet du texte en discussion.”
À l’époque, LFI avait de son côté proposé 13 000 amendements. François Ruffin, Manuel Bompard et Mathilde Panot avaient chacun co-signé ou signé plus de 1 000 de ces propositions.
Mathilde Panot justifie cet état de fait, arguant qu’il existe “une bonne et une mauvaise obstruction”.
“Il y a une nette distinction entre déposer 1 000 amendements dans le cadre d’une niche parlementaire pour bloquer un texte et procéder ainsi lors de l’examen d’un projet de loi quand vous pouvez enrichir le débat.”
Mathilde Panot
L’histoire ancienne de l’obstruction parlementaire
Selon Pierre Januel, ancien assistant parlementaire, l’obstruction est ancrée dans la tradition parlementaire.
“C’est une stratégie pour ceux qui anticipent un vote défavorable de gagner du temps et d’avoir une présence politique. Cela reflète en partie l’esprit démocratique selon lequel, même sans fin victorieuse, l’on finit par être entendu.”
Mais pas de panique pour Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale : en 2006, Jean-Louis Debré, alors à la tête de l’Assemblée, avait orchestré un scénario qui reste un record imbattable avec 137 000 amendements contre une loi de privatisation. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, encore un petit effort !