Marine Le Pen exhorte le gouvernement à considérer ses propositions concernant le budget, alors qu’approche un mois de décembre crucial. Elle avertit que sans réponse favorable de leur part, elle pourrait mener à la chute de l’exécutif.
La scène politique française pourrait-elle se retrouver perturbée à l’approche des fêtes de Noël ? Bien que le gouvernement en place depuis septembre ne soit pas encore tombé, les tensions montent avec de plus en plus de mises en garde, particulièrement du côté de l’extrême droite. Le mercredi 20 novembre, Marine Le Pen a franchi une étape vers un possible renversement du gouvernement. Sur les ondes de RTL, la dirigeante du Rassemblement national a clairement exprimé son refus de voir le pouvoir d’achat des Français encore réduit : « Nous n’accepterons pas que le pouvoir d’achat des Français soit encore amputé dans la situation qu’ils connaissent aujourd’hui. C’est une ligne rouge. Si elle est dépassée, alors nous voterons la censure ».
Le Rassemblement national prévoit de garder ses cartes en main jusqu’aux dernières discussions sur le budget, auxquelles le gouvernement devrait recourir à l’article 49.3 lors de la seconde moitié de décembre. La gauche, qui détient 192 sièges à l’Assemblée, a déjà indiqué qu’elle introduirait une motion de censure à ce stade. Celle-ci ne réussirait que si les 124 députés du RN se joignaient à cette initiative, car 289 voix sont requises à l’Assemblée pour déclencher un renversement du gouvernement de Michel Barnier.
Vers une censure perçue comme « inévitable » par le RN
En accord avec leur dirigeante, les membres du Rassemblement national paraissent déterminés à entrer en opposition ferme dès cet hiver. Sur RMC, Jordan Bardella, président du parti, a déclaré que le gouvernement avançait vers une sanction parlementaire, qualifiant le budget de projet « aberrant ». Philippe Olivier, proche de Marine Le Pen, a confié au journal Le Monde que cette démarche de censure devenait « inévitable ». Un cadre du groupe RN avait déjà mentionné en octobre sur 42mag.fr que ce gouvernement laissait de côté leurs suggestions budgétaires, soulignant l’absence de dialogue et l’utilisation justifiée de l’article 49.3 : « Les promesses étaient belles, mais nous commençons à être déçus. »
Au milieu de ce débat budgétaire tendu, le RN invite l’exécutif à considérer certaines de ses propositions. Marine Le Pen s’oppose farouchement à l’augmentation des taxes sur l’électricité, qui visaient à collecter trois milliards d’euros, mesure rejetée par l’Assemblée nationale en première lecture, mais susceptible de renaître après examen par le Sénat. « Il est inacceptable de cibler les retraités », a-t-elle également déclaré. Le gouvernement, en retour, a tempéré son projet initial de blocage de la revalorisation des pensions et prévoit maintenant d’augmenter certaines retraites partiellement à partir du 1er janvier.
Un écran de fumée autour du procès des assistants du FN ?
Le RN continue de critiquer le projet gouvernemental. « Michel Barnier sous-estime notre détermination à censurer si rien n’est obtenu », explique un stratège du parti. La tension monte d’autant plus que Michel Barnier doit rencontrer Marine Le Pen et les autres leaders parlementaires dans les jours à venir. Prisca Thevenot, députée Ensemble pour la République, analyse cette stratégie du RN comme un jeu de pressions plutôt qu’une réelle intention de faire tomber le gouvernement.
« Les députés RN ne voteront jamais la censure car ils sont dans un enjeu de respectabilité, donc ils n’ont aucun intérêt à faire tomber le gouvernement. »
Prisca Thevenot, porte-parole du groupe Ensemble pour la Républiqueà 42mag.fr
Ancienne porte-parole du gouvernement, elle accuse le Rassemblement national de chercher à détourner l’attention, particulièrement dans le contexte du procès des assistants parlementaires du Front national. Le 13 novembre, les procureurs ont requis des peines sévères contre Marine Le Pen, qui a annoncé son intention de faire appel en cas de condamnation. La décision judiciaire est attendue pour début 2025 tandis qu’elle envisage déjà la présidentielle de 2027.
Quoi qu’il en soit, la situation a considérablement changé depuis la fin de l’été, quand le Rassemblement national se vantait d’être devenu indispensable et respecté par Michel Barnier. Deux mois plus tard, le RN semble intensifier ses prises de position, forçant la majorité gouvernementale à se questionner. « La vraie question est de savoir si Marine Le Pen vise des élections présidentielles anticipées, » se demande un collaborateur du Premier ministre.
Un membre du gouvernement exprime des doutes sur la finalité d’une censure : « Il y aura un nouveau Premier ministre, mais cela ne résoudra pas les problèmes… La France resterait sans budget, plongeant dans l’irrationalité. »
Le RN face à un calendrier stratégique
Certains parlementaires du RN affirment que leurs partisans soutiennent une motion de censure. Selon un sondage Ifop du 15 novembre, 47% des Français approuvent une éventuelle censure du gouvernement Barnier, ce chiffre s’élevant à 57% parmi les sympathisants du RN, en légère hausse par rapport à une enquête menée fin octobre.
Dans cette dynamique, le moment choisi sera crucial, Jean-Luc Mélenchon ayant anticipé une motion de censure potentielle entre le 15 et le 21 décembre. Si le gouvernement parvient à passer cette période sans encombre, il pourrait s’attaquer à d’autres dossiers législatifs, y compris un projet controversé sur l’immigration.
Un autre ministre suppose que Marine Le Pen pourrait choisir ce moment pour tenter de censurer, étant sa seule chance avant l’arrivée d’autres projets de loi. Après tout, une telle action vis-à-vis du texte sur l’immigration étant incertaine, il reste peu d’opportunités pour concrétiser une telle stratégie.