Le gouvernement a renoncé à sa décision de suspendre temporairement, pour une durée de six mois, l’ajustement automatique des pensions de retraite.
C’est un changement qui va probablement apporter du réconfort à des milliers de retraités aux revenus modestes. En effet, les pensions seront augmentées de manière à couvrir la moitié de l’inflation dès le 1er janvier, suivies par une correction pour les plus bas revenus six mois après, a dévoilé Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine (anciennement Les Républicains) à l’Assemblée nationale, lundi 11 novembre sur TF1. Initialement, le gouvernement avait l’intention de reporter de six mois l’augmentation des pensions de retraite de base en raison du dérapage du déficit public.
En pleine discussion sur les lois budgétaires de 2025, l’Exécutif a été confronté à une forte opposition de la part des syndicats et des partis d’opposition, ainsi que de certains alliés du Premier ministre, Michel Barnier. Quels en sont les bénéficiaires ? Quel est le coût de cette mesure ? Pourquoi ce revirement de la part du gouvernement ? Franceinfo aborde quatre questions pour comprendre cette décision.
1 À quel point les retraites seront-elles revalorisées en 2025 ?
Les prestations des 14 millions de retraités inscrits aux régimes de base obligatoires, d’après les données fournies en janvier dernier par le portail service-public, doivent en principe être ajustées le 1er janvier selon l’inflation. En 2025, l’État dérogera à cette norme. « Toute la gamme des retraites sera majorée de 0,9%, soit la moitié de l’inflation – l’estimation précise sera ajustée », a précisé le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, lors d’une intervention sur France 2, mardi. Si ces valeurs se confirment, une retraite de 1500 euros augmenterait de 13,50 euros.
Une seconde majoration prendra effet le 1er juillet 2025. Celle-ci s’appliquera uniquement aux « retraites inférieures au seuil du SMIC [soit 1 426,30 euros] pour préserver le pouvoir d’achat », explique le ministre. « Cela englobe près de 44% des retraités », a détaillé Michel Barnier devant l’Assemblée nationale, mardi. Ces retraités bénéficieront d’une « seconde majoration permanente », calculée à la moitié de l’inflation, en plus de « l’indemnisation pour le manque à gagner du premier semestre de l’année prochaine », a précisé le Premier ministre.
2 Quel est le coût de cette augmentation ?
Le gouvernement avait prévu d’économiser 4 milliards d’euros sur le budget 2025 en retardant de six mois la majoration des pensions. Finalement, les économies seront moindres. « En fonction de l’évolution de l’inflation, cela pourrait varier, et nous nous attendons à restituer entre 500 et 800 millions d’euros aux petites pensions », réduisant les économies attendues à 3 milliards d’euros, a détaillé Laurent Saint-Martin.
Pour financer cette revalorisation, Laurent Wauquiez propose de récupérer « un milliard » en rationalisant la « bureaucratie administrative », en fusionnant notamment certains organismes tels que France Stratégie, le Haut-Commissariat au Plan, France 2030, et le Centre d’études prospectives.
3 Pourquoi le gouvernement a-t-il changé de position ?
Le gouvernement justifiait initialement sa décision en évoquant un partage de l’effort budgétaire entre retraités et actifs. « Nous devons tous mettre la main à la pâte » pour équilibrer les finances publiques, avait annoncé le Premier ministre début octobre dans un entretien accordé à La Tribune Dimanche. Michel Barnier estimait que repousser la hausse des retraites représentait un « effort raisonnable, implantant ce travail collectif partagé ». Cependant, ces arguments n’ont pas convaincu les partis d’opposition.
Eric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances à l’Assemblée, qualifiait cette mesure d’« injuste », accusant le gouvernement de demander aux retraités de compenser « les cadeaux fiscaux offerts aux plus riches ». La chef de file des députés RN, Marine Le Pen, accusait même l’exécutif de « voler à nos aînés des milliards d’euros de pouvoir d’achat » sur X.
Cette décision était vivement critiquée même au sein des « socle commun » qui soutiennent Michel Barnier. Laurent Wauquiez faisait part de ses doutes au Premier ministre, rarement partagé parmi les républicains. « Nous sommes opposés à tout gel », résumait un député influent du parti macroniste à France Télévisions fin octobre, menant les diverses factions de la coalition gouvernementale à négocier entre elles sur ce sujet.
4 Pourquoi ce retournement de situation provoque-t-il des tensions au sein de la coalition ?
L’annonce faite par le chef des députés LR, au lieu du ministre de l’Économie ou du Budget, a irrité de nombreux membres de la majorité parlementaire. « Ce n’était pas à Laurent Wauquiez d’en faire l’annonce », s’est plaint Mathieu Lefèvre, député Ensemble pour la République (EPR) du Val-de-Marne, sur 42mag.fr. « Je pensais que le gouvernement était là pour gouverner et le Parlement pour débattre », a-t-il ajouté. En réaction, Laurent Saint-Martin a confirmé sur France 2 qu’il était au courant que cette annonce serait faite par l’ancien président de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
L’incident révèle surtout les frictions entre les différentes factions de la coalition minoritaire qui soutient Michel Barnier à l’Assemblée nationale. « Ça grogne évidemment… et c’est perçu comme plutôt pathétique, mais il n’y a pas de volonté de s’engager dans une escalade », confie un député MoDem à 42mag.fr, tandis qu’une élue EPR évoque une atmosphère « morose et préoccupée » avec France Télévisions.
De quoi fragiliser un peu plus l’alliance au pouvoir. « Nous sommes assez lucides sur la réalité du socle commun, autour duquel nous ajoutons chaque semaine de plus en plus de guillemets », a souligné Gabriel Attal lors d’une réunion du groupe EPR mardi, confirme un participant à 42mag.fr.