Les alliés de la leader française d’extrême droite Marine Le Pen ont accusé le système judiciaire de chasse aux sorcières et d’ingérence indue dans la démocratie après que les procureurs ont demandé qu’elle encourt une interdiction obligatoire de cinq ans d’exercer des fonctions publiques si elle est reconnue coupable de détournement de fonds de l’Union européenne.
La décision des procureurs de demander une « exécution provisoire » de l’interdiction des fonctions publiques – un outil difficile et rarement utilisé qui signifie que l’interdiction serait maintenue indépendamment de tout appel – jette le doute sur les chances de Le Pen de se présenter à l’élection présidentielle de 2027.
Le Pen et les membres co-accusés de son parti le Rassemblement national (RN) nient avoir utilisé des fonds européens pour payer les travailleurs du parti en France. Ils dénoncent cette affaire comme une tentative politiquement motivée visant à maintenir le RN au pouvoir.
« Le but est de s’en prendre à un opposant politique. C’est une attaque très violente contre la démocratie. C’est ma mort politique qui est demandée », a déclaré vendredi Le Pen à la télévision TF1, en réaction à la demande du procureur.
Sur les réseaux sociaux, Le Pen a déclaré : « C’est ma mort politique qui est réclamée. Ma survie politique dépendra de l’exécution de cette condamnation à mort politique, avec exécution provisoire ou non. C’est, je crois, le but de cette opération lancée par des opposants politiques.
Cette réponse furieuse fait écho aux fréquentes attaques du président élu américain Donald Trump contre le système judiciaire américain en raison des problèmes juridiques auxquels il est confronté depuis son premier mandat.
Tribunaux contre politiciens
Les juges et les procureurs du monde entier se lancent dans des débats politiques épineux.
Alors que certains les applaudissent pour demander des comptes aux politiciens, les critiques dénoncent la dérive de la mission par des despotes non élus en robe.
Au Brésil, l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro a été banni de toute fonction publique jusqu’en 2030 pour avoir miné la confiance dans le système électoral brésilien.
Plus récemment, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a réagi avec fureur aux juges bloquant l’envoi de migrants vers l’Albanie.
« Regardez ce qui se passe aux Etats-Unis, regardez ce qui se passe en Italie », a déclaré l’eurodéputé du Rassemblement national Jean-Paul Garraud, ancien juge entré au RN en 2018. « Clairement, la France n’est pas épargnée. »
Même certains hommes politiques français traditionnels ont exprimé leur inquiétude. Gérald Darmanin, qui a été ministre de l’Intérieur du président Emmanuel Macron jusqu’en septembre, a écrit sur X qu' »il serait profondément choquant » si Le Pen n’était pas autorisée à se présenter en 2027.
Décision « politisée »
Les procureurs ont déclaré qu’ils demandaient une « exécution provisoire » contre Le Pen et ses co-accusés pour leurs efforts répétés visant à gagner du temps dans une enquête qui s’étend sur près d’une décennie. Une interdiction obligatoire empêcherait la récidive, ont-ils soutenu.
En cas de condamnation, les juges peuvent choisir de rejeter la demande des procureurs.
Ludovic Friat, président de l’USM, le plus grand syndicat représentant les procureurs et les juges français, a déclaré que la décision de demander une « exécution provisoire » était inhabituelle.
« C’est une décision qui pourrait être considérée comme politisée », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il pensait que les procureurs l’avaient utilisée « pour dire que ce qui s’était passé n’était pas démocratiquement acceptable ».
Reste à voir comment Le Pen va désormais adapter sa stratégie politique. Ses efforts déployés depuis des années pour professionnaliser le RN, cherchant à se débarrasser de sa réputation de racisme et d’antisémitisme, contrastent fortement avec le mouvement anti-institutionnel de Trump.
Les efforts de Le Pen ont porté leurs fruits : le RN est désormais le plus grand parti au Parlement et soutient le faible gouvernement de coalition du Premier ministre Michel Barnier.