Les responsables locaux, préoccupés par l’impact des mesures d’austérité sur le quotidien de leurs municipalités, ont l’intention de protester mardi à l’occasion de l’inauguration du Congrès des maires de France à Paris.
La police municipale aussi cruciale que l’éducation ?
Se trouve-t-on devant l’énigme de choix inextricable entre la sécurité publique et les services éducatifs comme les crèches ou les écoles ? C’est bien ce dilemme que cherche à résoudre Emmanuel Sallaberry, le maire de la commune de Talence, située en Gironde. Avec les mesures d’économie dictées par l’État aux collectivités, il se voit contraint de dégager une économie de 2 millions d’euros pour équilibrer le budget de l’année 2025. Ce montant correspond à ce que la ville dépense annuellement pour soit sa police municipale, soit ses cantines. Cependant, ce maire positionné au centre de l’échiquier politique refuse de laisser choir ses agents de sécurité municipaux, tout autant que de toucher au budget alloué à l’éducation.
« Je ne sais pas où trouver de telles sommes en si peu de temps. »
Emmanuel Sallaberry, maire de Talenceà 42mag.fr
Des défis imminents : gel d’embauches et reports de projets
Alors que l’entrée en vigueur du budget est prévue, perspective de son adoption par la contrainte législative du 49.3 selon le Premier ministre Michel Barnier, Emmanuel Sallaberry a commencé à esquisser des stratégies qui sont toutes ardues. L’idée de bloquer les recrutements ou de décaler des initiatives d’investissement doit être explorée par le maire. Pour générer des fonds, divers choix s’offrent à lui : abaisser les dépenses, freiner les investissements comme la rénovation scolaire ou les infrastructures routières, augmenter les recettes par, par exemple, la hausse des tarifs de la piscine ou des impôts locaux, ou encore recourir à l’emprunt. Mais comme toute décision, celle-ci s’accompagne de limites, et pour lui, la taxe foncière ne doit pas être touchée. Il se focalise donc davantage sur la limitation des dépenses.
« Pour l’instant, on conseille aux associations de ne pas initier de dépenses, mais nous savons déjà que les premiers à en subir les conséquences seront le sport et la culture, alors même que récemment encore, nous discutions de l’héritage des Jeux olympiques. »
Emmanuel Sallaberry, maire de Talenceà 42mag.fr
Dans le nord-est du pays, à Verdun, Samuel Hazard adopte une position différente vis-à-vis des associations : il refuse de réduire le soutien associatif. « Je comprends mes collègues qui n’ont d’autre choix, mais je ne diminuerai pas le soutien financier aux associations culturelles, sportives et sociales. Elles sont le socle de notre République et essentielles pour le vivre ensemble », affirme le maire socialiste, qui est aussi président de l’agglomération. Cependant, il pourrait repousser certains grands projets à moins que le gouvernement n’assouplisse sa politique. Les projets concernés incluent la rénovation scolaire et des aménagements urbains. « Je vais également geler les embauches et ne pas remplacer les départs à la retraite », regrette Samuel Hazard, à la tête de 373 employés municipaux.
Des responsables locaux en ébullition
À La Rochelle, Jean-François Fountaine, maire socialiste, suivra une approche similaire en n’introduisant pas de nouveaux remplacements pour certains départs en retraite. Les coupes nécessaires dans son cas atteignent 4,5 millions d’euros pour la ville et environ 3,8 millions pour la communauté d’agglomération qu’il administre. Là encore, chaque dépense est scrutée sous le prisme de la faisabilité. « Les projets en cours ne seront pas interrompus, mais ceux dont les appels d’offres viennent d’être lancés pourraient être suspendus ou annulés », affirme-t-il, surtout en préservant les domaines éducatif et social. Une banderole installée sur l’hôtel de ville alerte la population sur les retombées du projet de loi de finances 2025 : « La fin de l’aide à nos associations ou l’arrêt du financement des cantines scolaires ? Une situation intolérable à notre avis ! » indique-t-elle.
D’autres élus font preuve de créativité face à cette situation de rigueur budgétaire. Près de Lyon, à Bron, le maire Jérémie Bréaud annule les vœux de 2025 pour montrer l’exemple. « Les élus doivent également faire des sacrifices lorsque des efforts sont demandés à tous les citoyens », explique-t-il dans le journal Le Progrès. Nicolas Lacroix, président du conseil départemental de la Haute-Marne, songe, lui, à vendre des bâtiments appartenant à l’État, tandis que Samuel Hazard propose que tous les élus locaux démissionnent en bloc – une démarche qu’il pense pouvoir déclencher un électrochoc. « Écrire au président ne produit aucun retour. Démissionner seul n’est pas une option, mais en faire un levier politique, oui », ajoute-t-il.
« Réduire les travaux ? Les citoyens seront les premiers à s’en plaindre, et leur colère se tournera contre les maires. »
Samuel Hazard, maire de Verdunà 42mag.fr
De son côté, Samuel Hazard réclame davantage de « décentralisation et d’autonomie », dénonçant une approche trop verticale de l’État. « Quand on doit refuser à une association un financement attendu depuis deux ans, cela crée un mécontentement, tout comme le résident qui espérait voir sa rue remise en état », rapporte Jean-François Debat, maire socialiste de Bourg-en-Bresse. Pour faire face, il prévoit une augmentation de la dette municipale pour amortir le choc financier. Avec le reste, il passera toutes les dépenses au crible, s’inquiétant de devoir amender certaines ambitions d’événements prévus.
« Nous allons serrer la ceinture et nous devrons emprunter davantage. Conséquence : moins d’investissements mais plus d’endettement. »
Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresseà 42mag.fr
Avec 58 % des investissements publics français reposant sur les collectivités locales, comme le souligne l’Inspection générale des finances, certains maires craignent les répercussions d’une réduction de leurs investissements : une possible baisse de la commande publique, selon Samuel Hazard, ou de nouveaux licenciements, craint Jean-François Fountaine.
Murielle Fabre, secrétaire générale de l’Association des maires de France (AMF), condamne la tendance du gouvernement à faire peser sur les collectivités locales la mauvaise gestion des finances publiques. « Nous faisons attention au moindre euro et allons frôler la limite l’année prochaine », s’alarme la maire de Lampertheim, une petite commune du Bas-Rhin. « Mais l’enjeu dépasse 2025 : ce mandat a été particulièrement éprouvant et contraignant, tandis que les citoyens, eux, veulent du concret et attendent de l’action. » Agacé par les coupes budgétaires, David Lisnard, président de l’AMF et maire de Cannes, prévient que le Congrès des maires pourrait devenir un espace de contestation et que les élus pourraient être les prochains visibles manifestations, à l’image des « gilets jaunes ».