Confronté aux risques de censure évoqués par les partis de gauche et d’extrême droite, Michel Barnier a déclaré jeudi que les citoyens français aspiraient davantage à « la stabilité et la tranquillité ». Avec une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale qui ne pourrait pas être envisagée avant juin, un nouveau Premier ministre se verrait contraint de gouverner sans disposer d’une majorité parlementaire.
La possibilité de voir une motion de censure être votée devient de plus en plus concrète. Michel Barnier l’a même évoqué le jeudi 21 novembre devant le congrès des maires de France. Et devinez quoi ? Il n’est nullement effrayé ! Le Premier ministre ne ressent aucune crainte. Il a même trouvé cela « plutôt excitant de penser que l’on pourrait partir dès demain », a-t-il plaisanté. Quelques jours auparavant, il réaffirmait qu’il ne s’était « pas battu bec et ongles pour obtenir Matignon ».
Altruisme, dévouement, flegme. À 73 ans, Michel Barnier maintient qu’il n’a aucune aspiration à devenir Président, et il n’y a aucun danger que sa cote de popularité le fasse changer d’avis. Sa seule intention est de servir. En bref, les menaces de Marine Le Pen, qu’il rencontrera la semaine prochaine avec tous les dirigeants des groupes parlementaires, ne l’ébranlent pas du tout. En réalité, le Premier ministre n’a pas beaucoup d’atouts dans son jeu. Alors, pour essayer de se maintenir en place, il utilise la technique du judo.
Il est vrai que Michel Barnier n’a rien d’un Teddy Riner, je l’admets. Mais à l’instar de certains judokas, il utilise la force de ses adversaires, connus pour leur robustesse, pour puiser l’énergie nécessaire afin de les déstabiliser. L’alliance des députés de gauche et d’extrême droite constitue une majorité absolue. Pourtant, ce n’est qu’une « coalition des contraires », comme il l’a noté jeudi. Cette alliance pourrait bien le renverser, mais pas le remplacer. Ce message soulignant l’incohérence de cette union s’adresse principalement aux députés socialistes qui n’auraient rien à gagner à faire chuter le gouvernement Barnier en décembre. D’où le second argument du Premier ministre : « La stabilité, le calme », c’est, selon lui, ce que « désirent » les Français.
Un contexte complexe
Pour l’instant, aucune solution alternative ne semble évidente. Emmanuel Macron ne peut envisager de dissoudre l’Assemblée avant juin. Vous vous rappelez de l’émission télé « Tout le monde veut prendre sa place » ? Avec Michel Barnier, c’est tout l’inverse. Personne n’a vraiment envie de prendre sa place. Il faut dire que diriger un gouvernement sans majorité, avec des finances publiques exsangues, un pays en surendettement, où le « socle commun » censé le soutenir est tout sauf ferme, et où les macronistes et la droite ont peu en commun, ce n’est pas exactement un chemin tranquille.
Bien sûr, les rivalités entre ceux qui aspirent à la présidence dans son camp le rendent vulnérable. Cependant, Michel Barnier est aussi conscient qu’un Premier ministre affaibli, isolé et impopulaire, cela convient à Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Édouard Philippe et d’autres. Et cette situation pourrait bien lui permettre de prolonger un peu plus son séjour intérimaire à Matignon.