Emmanuel Macron, Bruno Le Maire, les familles françaises… 42mag.fr se penche sur six « suspects » afin de comprendre les raisons de la détérioration marquée des finances du pays au cours de ces derniers mois.
Dans le banc des accusés, ils sont six à être pointés du doigt. Parmi eux se trouvent des élus, des figures de l’État, et potentiellement l’ensemble des citoyens français. Dans cette affaire mêlant politique et économie, il n’est point question d’armes classiques telles que le chandelier, la corde ou la clé anglaise. Le « crime » présumé se matérialise par le biais de rapports et de lois. La victime : les finances publiques françaises. En effet, la prévision pour le déficit public de 2024, qui traduit le fossé entre les recettes fiscales et les dépenses des administrations, a vu sa projection grimper de 4,4 % du PIB à 6,1 %, avant que le chiffre final tant redouté ne soit officiellement avancé en mars 2025.
Alors qu’une commission d’enquête s’ouvre ce mardi 3 décembre à l’Assemblée nationale, 42mag.fr a mené sa propre investigation. Les flèches accusatrices s’orientent vers six « suspects » qui justifient chacun leur rôle dans cette affaire : Emmanuel Macron, Bruno Le Maire, les collectivités locales, les hauts cadres de Bercy, les ménages et les partis d’opposition. Mais alors, qui a mis à mal les finances publiques, et de quelle manière ?
Les décisions politiques et économiques d’Emmanuel Macron à l’Élysée
Les choix stratégiques de politique et d’économie d’Emmanuel Macron sont souvent cités pour expliquer le gouffre de la France. Selon Eric Heyer, de l’OFCE, l’Élysée serait le « premier coupable », le déséquilibre commençant réellement avec les mesures fiscales de 2017. Abolition de la taxe d’habitation, conversion de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière, instauration d’une flat tax : autant de manœuvres jugées infructueuses par l’économiste, qui estime que parier sur une augmentation des recettes fiscales via allégements pour les plus riches est un pari raté.
Face aux difficultés, Macron est critiqué pour son soutien massif à un bouclier tarifaire d’une valeur de « 50 milliards d’euros », une politique inadéquatement communiquée aux yeux de ses détracteurs. « Il aurait dû marquer cette période d’une empreinte solennelle” suggère le sénateur Jean-François Husson, soulignant l’absence d’accentuation présidentielle sur l’urgence budgétaire.
Macron a opté contre une loi de finances rectificative au printemps, malgré la demande du ministre Le Maire et l’opposition. Ce choix avait pour but de ne pas perturber la campagne européenne en cours, une décision que beaucoup qualifient de coûteuse.
En défense, l’entourage présidentiel insiste sur les causes externes au choix de Macron, soulignant par exemple que la crise sanitaire a entamé une période de deux années où le déficit était sous les 3 % imposés par l’UE. De surcroît, la guerre en Ukraine a compromis la croissance. Ils continuent de justifier les dépenses massives face à ces évènements mondiaux.
Bruno Le Maire et les prévisions financières à Bercy
Au sein de Bercy, Bruno Le Maire, après sept années de gestion, se voit reproché un optimisme excessif concernant les finances publiques, ce qui aurait contribué au creusement du déficit. Les critiques s’élèvent au Sénat : Le Maire aurait insuffisamment partagé des prévisions financières dégradées avec les commissions parlementaires, affirme Jean-François Husson.
Malgré des signaux d’alerte dès décembre 2023, le gouvernement confirme un déficit de 4,4 % pour 2024, bien que des documents internes prévoyaient un scénario plus sombre. L’espoir de corriger la trajectoire en proposant un PLFR à l’été ne s’est pas matérialisé, et le déficit a continué de s’accroître.
En résistant aux critiques, Bruno Le Maire assure qu’il n’y a jamais eu intention de dissimuler ni de tromperie, expliquant que toutes les prévisions ne sont pas finalisées. Il souligne avoir pris des mesures pour rassurer les marchés dès que les alertes étaient avérées, mais se défend d’un manque de soutien pour des réformes plus drastiques.
Les estimations des hauts fonctionnaires de Bercy
Les agents de Bercy sont accusés d’inexactitudes dans les prévisions de recettes fiscales qui sous-tendent le déficit actuel. Ces erreurs de calcul, notamment concernant la TVA et l’inflation, ont contribué à un budget sous-estimé, rendant difficile pour les décideurs politiques de planifier adéquatement.
Les fonctionnaires se défendent en arguant de l’incertitude et de la complexité inhérente aux prévisions économiques. De plus, ils affirment avoir alerté leurs supérieurs des risques de dérive, mais non sans commettre quelques erreurs elles-mêmes.
Les collectivités territoriales et leur transparence financière
Les collectivités, communes, départements et régions, sont soupçonnées d’avoir exacerbé le déficit à travers une explosion de leurs dépenses. Le manque de transparence sur leurs finances est critiqué par le camp du président. Toutefois, elles défendent leurs choix en affirmant avoir dû reporter les projets initiés, justifiant une hausse temporaire des dépenses.
Les ménages français et leur réticence à consommer
Les ménages sont pointés du doigt pour leur tendance à épargner davantage qu’à consommer, un facteur aggravant le déficit public. Incités par les incertitudes économiques, les Français ont vu leur taux d’épargne atteindre des sommets durant la pandémie.
Néanmoins, il est souligné qu’une succession de crises n’encourage pas le retour rapide à la consommation, car la confiance est érodée et les ménages préfèrent la prudence économique.
Les partis d’opposition et leurs manques de propositions
Critiqués pour leur absence de propositions concrètes sur les dépenses et les recettes, les oppositions n’ont pas suffisamment œuvré pour inverser la tendance nouée dans les projets de loi de finances, selon le député Eric Woerth.
Toutefois, certains clamant qu’il revient au gouvernement de la majorité de gérer directement l’économie, soulignent que les oppositions, sans pouvoir, ne peuvent être tenues entièrement pour responsables de cette situation.