Après une semaine de discussions, Emmanuel Macron a sollicité vendredi le dirigeant du MoDem pour constituer un nouveau gouvernement. Celui qui remplace Michel Barnier doit en particulier veiller à ce que le nouveau budget soit voté sans tarder.
Le président de la République a pris sa décision. Neuf jours après la défaite du gouvernement dirigé par Michel Barnier, François Bayrou a été choisi pour devenir Premier ministre, le vendredi 13 décembre. En tant que sixième chef du gouvernement sous Emmanuel Macron, le leader du MoDem est désormais chargé de former une nouvelle équipe ministérielle, dont les équilibres politiques seront cruciaux pour éviter un nouveau revers au Parlement. Le nouveau Premier ministre devra également élaborer le budget du pays. Voici un aperçu des prochaines étapes qui attendent François Bayrou.
Former son équipe gouvernementale
Après la démission de Michel Barnier le 5 décembre, Emmanuel Macron avait promis, lors d’une intervention télévisée, de constituer un gouvernement basé sur « l’intérêt général ». Selon l’article 8 de la Constitution, c’est au président de nommer les membres du gouvernement, en suivant les recommandations du Premier ministre. L’urgence de la situation nécessite une décision rapide, en contraste avec le dernier remaniement où Barnier avait attendu deux semaines pour présenter son équipe après sa nomination le 5 septembre. Cette fois-ci, l’Élysée et Matignon doivent se hâter dans leur choix des ministres, car leur succès pourrait déterminer la durée de vie du gouvernement.
Sans majorité claire à l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre devra négocier avec les différents partis pour assurer leur participation au gouvernement ou au moins obtenir un engagement de « non-censure ». Les macronistes et les centristes devraient poursuivre leur collaboration avec Les Républicains, malgré les tensions persistantes entre François Bayrou et ce dernier parti, issues de ses désaccords passés avec Nicolas Sarkozy et les dirigeants successifs de LR. Malgré cela, une plus grande inclusion de la gauche n’est pas envisagée, le Parti socialiste ayant refusé de participer. Jusqu’à présent, aucune entente n’a été trouvée pour obtenir leur soutien ou au moins éviter une censure. François Bayrou est néanmoins considéré comme un choix consensuel, capable de rassembler les partis autour d’un projet commun.
Quant à la motion de censure, seule La France Insoumise a déjà affirmé son intention de la déposer contre le gouvernement de Bayrou, tandis que le Rassemblement national semble, pour le moment, ne pas vouloir le censurer.
Adopter la loi spéciale
Priorité immédiate pour le nouvel exécutif : faire voter une loi spéciale pour garantir « la continuité de l’État », alors que l’année touche à sa fin sans adoption d’un budget pour 2025. Ce projet, présenté en Conseil des ministres mercredi, vise à éviter une interruption des services publics et autorise la perception des taxes actuelles ainsi que l’emprunt sur les marchés financiers jusqu’à l’adoption du nouveau budget.
Bien que soumis à la commission des finances de l’Assemblée et prêt pour débat parlementaire lundi et au Sénat mercredi, la question de savoir qui défendra le texte reste en suspens si un nouveau ministre du Budget n’est pas désigné d’ici là. Selon Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, un ministre démissionnaire pourrait éventuellement défendre le projet, mais cela reste incertain. François Bayrou pourrait également choisir de porter le projet lui-même.
Malgré l’engagement des oppositions à voter cette loi spéciale, des dissensions voient le jour concernant l’indexation de l’impôt sur le revenu à l’inflation, initialement prévue par Michel Barnier. Cette question soulève de vives discussions politiques et juridiques. Le gouvernement sortant estime que cet amendement serait contraire à la Constitution, cependant la décision de sa recevabilité reviendra à la présidente de l’Assemblée. Mais, pour des questions aussi délicates que l’impôt, il est possible que ni l’Élysée ni le Parlement ne veuillent se risquer à saisir le Conseil constitutionnel.
Établir un budget pour 2025
Après l’adoption de la loi spéciale, François Bayrou devra s’attaquer à l’élaboration du budget 2025, tâche ardue qui a causé la chute de son prédécesseur. Est-ce qu’il recommencera le processus budgétaire depuis le début ou s’appuiera-t-il sur les bases posées par Michel Barnier ou celles révisées par le Sénat ? Actuellement, la direction à suivre n’est pas encore définie.
Comme le précédent gouvernement, Bayrou opérera avec des marges financières limitées et une Assemblée politiquement éclatée. L’issue ne devrait apparaître qu’après la pause parlementaire entre le 20 décembre et le 14 janvier.
Déterminer ses grandes orientations
Bien qu’il ne soit pas tenu constitutionnellement, il est habituel pour un nouveau Premier ministre de présenter son discours de politique générale devant le Parlement, établissant ainsi les priorités et projets gouvernementaux futurs. Ce discours a traditionnellement lieu une fois le gouvernement au complet, comme l’ont fait ses prédécesseurs Barnier et Attal.
La France Insoumise, fidèle à sa tradition, déposera une motion de censure suite à ce discours, engageant un débat sur la légitimité du nouveau cabinet. François Bayrou sera également confronté à des défis dans le secteur agricole et à représenter la France lors des négociations avec l’UE sur le traité Mercosur. De plus, il pourrait relancer le débat sur le scrutin proportionnel, une réforme souvent évoquée mais jamais réalisée.