Paris (AFP) – Certains appelants sont des femmes qui craignent d’avoir été droguées et agressées sexuellement ; d’autres sont des médecins inquiets d’avoir mal diagnostiqué leur cas – une ligne d’assistance téléphonique mise en place au milieu du tristement célèbre procès pour viol collectif en France a mis à profit le malaise d’une nation.
Cette ligne d’assistance, connue sous le nom de Centre de référence sur les agressions sexuelles facilitées par la drogue (ou Crafs, son acronyme en français), a été lancée par un centre de santé parisien le 15 octobre.
C’était en plein milieu des témoignages lors du procès pour viol de Dominique Pelicot et de 50 autres accusés, qui a choqué le pays, déclenché des manifestations de masse et sensibilisé en France à l’usage de drogues pour commettre des abus.
Pendant des années, Gisèle Pélicot, aujourd’hui ex-épouse de Dominique, a eu d’étranges pertes de mémoire et autres problèmes de santé, consultant de nombreux médecins qui ne parvenaient pas à en identifier la cause.
La police lui a alors annoncé qu’elle avait été droguée et violée pendant près d’une décennie par son mari et des dizaines d’étrangers qu’il avait recrutés en ligne.

Depuis son lancement, la ligne d’assistance téléphonique a reçu une vague d’appels de prestataires de soins et de victimes cherchant des informations sur les abus liés aux drogues, a déclaré Leila Chaouachi, médecin qui a fondé le service.
« Les médecins qui nous ont contactés disent qu’eux aussi n’ont peut-être rien remarqué », a déclaré Chaouachi, faisant référence aux symptômes de Gisèle Pélicot.
« Quels sont les signes avant-coureurs ? Ils ont le sentiment de ne pas avoir suffisamment de formation », a-t-elle ajouté.
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Symptômes et conseils
L’un des services proposés par Crafs est de fournir des informations sur les symptômes possibles liés à l’abus de drogues.
Il existe de nombreux indicateurs indiquant qu’une personne a pu être droguée, a déclaré Chaouachi : somnolence, nausées, désorientation, vision floue et amnésie, entre autres.

Mais certains professionnels de la santé disent à Chaouachi qu’ils craignent de ne pas remarquer les signes ou, s’ils les reconnaissent, de ne pas savoir quoi faire ensuite.
Crafs peut également offrir des conseils sur les prochaines étapes possibles.
Un médecin qui a contacté le centre s’est inquiété du fait qu’une patiente – victime de violences conjugales – était également droguée par son partenaire et a demandé si une analyse capillaire devait être prescrite pour détecter la présence de substances.
« Cinq centimètres de cheveux, c’est comme cinq mois d’histoire », a expliqué l’un des pharmacologues du CRAFS, également formés à la réponse aux agressions sexuelles.
Les victimes qui appellent la hotline sont encouragées à porter plainte pour bénéficier de kits gratuits de détection de drogues.
Mi-novembre, la ministre de l’Egalité, Salima Saa, a annoncé une campagne de sensibilisation sur le « nouveau fléau » de l’usage de drogues pour commettre des abus sexuels, qui, selon Chaouachi, peut parfois être mal compris.
« S’exprimer »
Il existe des « idées préconçues » autour de l’usage de drogues dans les cas d’agressions sexuelles, a expliqué Chaouachi à l’AFP.
« Les gens pensent qu’il s’agit de jeunes filles droguées au GHB dans une boîte de nuit », a déclaré Chaouachi, faisant référence à une « drogue du viol » notoire, souvent utilisée dans les agressions sexuelles.

« Cependant, nos données montrent que la victime est souvent droguée par quelqu’un de son entourage qui trahit sa confiance », a-t-elle expliqué.
« Il peut s’agir d’une femme de n’importe quel âge… d’une personne âgée droguée pour lui faire signer un papier lui extorquant un héritage, ou d’un enfant drogué pour que personne n’ait à s’occuper d’eux. C’est de l’abus de produits chimiques. »
En 2023, la police française a recensé plus de 110 000 victimes de violences sexuelles, dont 85 % de femmes.
Pour certains, la hotline offre la possibilité de parler de ce qui leur est arrivé, même si les abus remontent à trop longtemps pour être détectés médicalement.
« Même s’ils sont anciens, ces comptes sont utiles : ils nous disent comment opèrent les attaquants », a expliqué Chaouachi. « Et parler et être entendu est bon pour la victime. »
Les procureurs ont requis une peine maximale de 20 ans de prison pour Dominique Pelicot et de 10 à 18 ans de prison pour 49 des 50 coaccusés accusés de viol ou de tentative de viol, une peine de quatre ans étant demandée dans un seul cas.
Un verdict est attendu le 19 ou le 20 décembre.