Paris (AFP) – Le Premier ministre français Michel Barnier court le plus grand risque d’être destitué par un Parlement hostile alors que son gouvernement présente lundi un plan de financement de la sécurité sociale qui soulève l’opposition.
Barnier, un conservateur nommé par le président Emmanuel Macron en septembre après des élections générales non concluantes, n’a pas de majorité au Parlement et vit sous la menace constante d’un vote de censure qui, en cas de succès, l’obligerait, lui et son équipe, à se retirer.
La clé d’un tel vote est Marine Le Pen, la leader parlementaire du Rassemblement national (RN) d’extrême droite, qui a exprimé son opposition à plusieurs aspects du plan budgétaire du gouvernement pour 2025, y compris le projet de financement de la sécurité sociale qui sera débattu au Parlement inférieur. -chambre de l’Assemblée nationale lundi après-midi.
Il s’agit notamment de réductions prévues des cotisations sociales des employeurs, d’une fin partielle de l’indexation des retraites sur l’inflation et d’une politique de remboursement des médicaments sur ordonnance moins généreuse.
Si Barnier ne parvient pas à trouver une majorité parlementaire soutenant ces mesures, il devrait utiliser les pouvoirs exécutifs pour les adopter sans vote, une procédure appelée « 49.3 » d’après l’article constitutionnel détaillant cette prérogative.
Une telle décision déclencherait cependant un vote de censure dans lequel il ne pourrait survivre que si le parti de Le Pen s’abstenait, Barnier ayant peu d’espoir de trouver un soutien à gauche du centre.
Une motion de censure pourrait être déposée dès mercredi.
Si le gouvernement tombe en raison de l’article 49.3, ce serait le premier vote de censure réussi depuis la défaite du gouvernement de Georges Pompidou en 1962, lorsque Charles de Gaulle était président.
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« Accepter de négocier »
Le chef du parti RN, Jordan Bardella, a déclaré lundi matin qu’une telle motion était probable.
« Le Rassemblement national déclenchera un vote de censure, sauf bien sûr en cas de miracle de dernière minute », a-t-il déclaré sur RTL.
Le Pen a réagi glacialement dimanche après que le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a déclaré que le gouvernement ne prévoyait pas d’autres changements dans le plan budgétaire de la sécurité sociale.
« Nous en avons pris note », a-t-elle déclaré à l’AFP, qualifiant cette position de « comportement extrêmement fermé d’esprit et partisan ».
Elle a demandé dans une interview à l’édition dominicale de La Tribune que Barnier accepte de poursuivre la « discussion » sur les souhaits de son parti.
« Il suffit à M. Barnier d’accepter de négocier », a-t-elle déclaré.
Le RN est le plus nombreux sur les 577 sièges de l’Assemblée nationale, avec plus de 140 députés.
Jeudi, Barnier avait déjà abandonné une augmentation de la taxe sur l’électricité, prévue auparavant, dans une concession aux critiques.
Le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a souligné le travail effectué sur les propositions budgétaires au sein d’une commission parlementaire avant le débat de lundi, affirmant que la proposition actuelle était déjà le résultat d’un compromis entre les députés de l’Assemblée nationale et les membres de la chambre haute française, le Sénat.
« Rejeter ce texte, c’est rejeter un accord démocratique », a-t-il déclaré.
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« Ouvert au dialogue »
Le Sénat, majoritaire de droite, a approuvé dimanche en partie le budget du gouvernement pour 2025, donnant son feu vert aux prévisions de recettes, lors d’un vote boycotté par la gauche.
La porte-parole du gouvernement, Maud Brégeon, a déclaré lundi que l’équipe de Barnier restait « ouverte au dialogue » pour trouver un compromis.
Le gouvernement peut encore modifier son projet de loi jusqu’à la toute dernière minute et la présidente de l’Assemblée nationale, Yael Braun-Pivet, a exhorté dimanche M. Barnier à le faire.
« Dès le début, j’ai appelé le gouvernement à négocier avec les différentes formations politiques de l’Assemblée nationale », a-t-elle déclaré à la radio Radio J.
Le parti socialiste, qui fait partie de l’opposition de gauche, a déclaré à M. Barnier qu’il voterait contre lui s’il appliquait l’article 49.3, affirmant qu’il ne lui resterait « pas d’autre choix ».
Saint-Martin a averti que la chute du gouvernement augmenterait la prime de risque sur la dette publique française, qui a atteint des sommets rares en raison de la situation financière précaire du pays.
La France a échappé à une dégradation de la note de sa dette par S&P la semaine dernière, l’agence de notation déclarant que « malgré l’incertitude politique persistante, nous espérons que la France se conformera – avec retard – au cadre budgétaire de l’UE et consolidera progressivement ses finances publiques ».
Barnier a promis d’améliorer la situation budgétaire de la France de 60 milliards d’euros (64 milliards de dollars) en 2025 dans l’espoir de réduire le déficit du secteur public à 5 % du produit intérieur brut, contre 6,1 % du PIB cette année.