Lundi, François Bayrou a décidé de nommer l’ancien chef du gouvernement socialiste au poste de ministre en charge des territoires d’Outre-mer.
C’est une figure bien connue avec une « attitude quelque peu kamikaze » que François Bayrou a sélectionnée pour gérer les défis humanitaires à Mayotte, la situation politique en Nouvelle-Calédonie, ainsi que les difficultés économiques auxquelles font face de nombreux territoires ultra-marins. Manuel Valls a ainsi été désigné ministre d’État, en charge des Outre-mer, ce lundi 23 décembre, après avoir été absent de la politique française pendant six ans. Cet ancien Premier ministre, qui a aussi servi comme ministre de l’Intérieur, s’est exprimé à plusieurs occasions sur les questions ultramarines au cours de sa carrière, avec des résultats mitigés.
Un rôle discret des Outre-mer dans ses discours de politique générale
Dans ses discours de politique générale en avril et septembre 2014, lorsque Manuel Valls était à la tête du gouvernement sous la présidence de François Hollande, les Outre-mer ne sont mentionnés que brièvement. Lors de sa première allocution de 47 minutes le 8 avril 2014 à l’Assemblée nationale, les territoires ultramarins sont évoqués une seule fois, notait Guyane la 1ère. « Les Outre-mer jouent un rôle essentiel – sur les cinq continents – pour renforcer notre présence à l’international », déclarait-il.
Cinq mois plus tard, lors de sa deuxième intervention politique le 16 septembre 2014, il ne mentionne les territoires ultramarins qu’à deux reprises. « Je pense à nos Outre-mer confrontés à divers défis tels que la vie chère, le chômage et le manque de logements. Mon gouvernement est prêt à soutenir leur développement économique et social », soulignait-il au début de son discours. « Notre rôle […] est de faire en sorte que chaque Français, qu’il soit en métropole, outre-mer ou à l’étranger, bénéficie concrètement du progrès », affirmait-il par la suite.
Erreur sur la localisation de La Réunion
Un an auparavant, le 11 juin 2015, Manuel Valls se rendait à La Réunion et accordait une interview à Réunion la 1ère. Au cours de cet entretien, il commet une erreur en situant l’île dans l’océan Pacifique. « La Réunion est le premier département, la première région d’outre-mer, avec 800 000 habitants, occupant une place importante dans le Pacifique », déclarait alors le Premier ministre. Une des deux journalistes présentes l’a corrigé en questionnant :« Puisque La Réunion a une position notable dans l’océan Indien, pourquoi ne pas privilégier l’embauche des Réunionnais ? »
Expert du dossier calédonien
De retour à l’Assemblée nationale après l’échec du Parti socialiste à l’élection présidentielle de 2017, Manuel Valls fut désigné président de la mission parlementaire sur le futur institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Il s’est rendu sur le Caillou en février 2018, quelques mois avant le premier référendum sur l’indépendance de l’archipel. Deux autres référendums ont suivi en 2020 et 2021, se concluant tous par un rejet de l’indépendance.
En mai 2024, des violences ont éclaté en Nouvelle-Calédonie à la suite de l’adoption à l’Assemblée nationale d’un projet de réforme constitutionnelle visant à élargir l’électorat des élections provinciales, avec un bilan tragique de 13 morts. Juste avant ces événements, trois anciens Premiers ministres, Édouard Philippe, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, avaient été interrogés par l’Assemblée nationale sur cette question, tous suggérant que Matignon reprenne le dossier en main. « Les indépendantistes se souviennent encore des accords conclus en ces lieux », déclarait Manuel Valls, proposant une adoption préalable du texte constitutionnel, suivie d’une mission de dialogue avec les Calédoniens, mettant en avant leur « grande autonomie et un lien solide avec la métropole », et établissant « un calendrier précis avec une date pour un référendum sur l’autodétermination ».
Manuel Valls a interpellé Emmanuel Macron au sujet de la situation en Nouvelle-Calédonie dans une interview au Journal du dimanche, le 9 novembre dernier. Il a exhorté le président à « revoir l’avenir » de l’archipel, soulignant deux priorités : « le rétablissement de la sécurité et la relance économique ». Pour lui, Emmanuel Macron a détruit plus de trois décennies de dialogue et de progrès, ainsi que la méthode héritée de Michel Rocard. Il tenait le président responsable d’un « entêtement insensé, irresponsable et dangereux ». Certainement plusieurs leaders politiques calédoniens ont exprimé leur appréciation face à sa nomination au ministère des Outre-mer, louant ses connaissances sur leur territoire, rapportait Les Nouvelles calédoniennes.
Contre la suppression du droit du sol à Mayotte
L’ancien Premier ministre socialiste s’est opposé à la suppression du droit du sol à Mayotte, proposée par Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, en février. Pour Manuel Valls, cette proposition est « inutile et risquée » et ne parviendra pas à « endiguer le flux migratoire ». Selon lui, elle repose sur un préjugé, suggérant que notre législation en matière de nationalité serait une attraction, et qu’il est illusoire de penser que le droit du sol serait à l’origine du désordre à Mayotte.
Le projet de réforme constitutionnelle devait initialement être présenté en juillet, après un premier report, mais il a de nouveau été ajourné en raison de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin.