Après de dernières hésitations vendredi matin, Emmanuel Macron a finalement confié à son fidèle allié centriste la mission de constituer un nouveau gouvernement.
Un remaniement ministériel rarement aussi incertain a finalement pris fin. En dévoilant la désignation de François Bayrou comme nouveau Premier ministre, ce vendredi 13 décembre, Emmanuel Macron a mis un point final à huit jours d’intenses négociations et une matinée de rebondissements politiques, qui ont laissé beaucoup de politiciens dans une certaine confusion selon un député centriste.
Faisant suite à la démission de Michel Barnier le 5 décembre, le président Macron avait entamé des consultations avec les partis politiques dans le but d’aplanir la crise suscitée par la censure de son gouvernement. Lors d’une réunion à l’Élysée ce mardi, il annonça qu’il dévoilerait le nom du successeur de Matignon sous 48 heures. En présence de leaders politiques allant des communistes jusqu’aux figures de la droite, Emmanuel Macron s’était engagé à respecter ce délai.
Le président a l’habitude de prendre son temps pour choisir ses Premiers ministres : 51 jours s’étaient écoulés entre le départ de Gabriel Attal en juillet et l’arrivée de Michel Barnier en septembre. Mais cette fois-ci, il voulait aller vite et avait même abrégé sa visite en Pologne jeudi pour « gagner du temps » et « rentrer dès que possible à Paris ». Toutefois, à peine rentré, la décision fut repoussée au lendemain matin. Tard dans la nuit, à 22h30, France Télévisions apprenait qu’un entretien était programmé à 8h30 le lendemain entre le Président et François Bayrou, pressenti pour occuper Matignon.
« Des tensions dans les discussions »
Vendredi matin, François Bayrou, leader du MoDem, se présente à l’Élysée pour son entretien avec Emmanuel Macron. Cette entrevue, prolongée sur deux heures, aurait été « très tendue », d’après France Télévisions. « Les retours de cet échange étaient mauvais, on disait que cela s’était mal déroulé et que ça avait été éprouvant », confie Nicolas Turquois, député MoDem, à 42mag.fr.
À sa sortie, François Bayrou reste silencieux. Aucune déclaration n’est faite à ses proches et du côté de l’Élysée, aucune confirmation officielle n’émerge. Cette indécision redonne espoir aux autres prétendants potentiels comme Bernard Cazeneuve ou Roland Lescure. « L’option Lecornu gagne du terrain », déclare une source proche du président.
François Bayrou a tout de même tenté de persuader le président, allant jusqu’à menacer de retirer le soutien des 36 députés MoDem de la majorité présidentielle. « Beaucoup ont œuvré pour écarter François Bayrou », regrette Richard Ramos, un autre député MoDem, ajoutant que Bayrou aurait lancé un ultimatum à Macron : « Si ce n’est pas moi, je reprends ma liberté ». Emmanuel Macron demeure cependant indécis.
Des incertitudes à l’apaisement chez les centristes
Pendant que l’entretien se poursuit, l’installation d’un tapis rouge à Matignon laisse présager une passation imminente, bien que l’identité du nouveau Premier ministre reste énigmatique. Sur place, même les techniciens ne savent pas quelle hauteur de micro régler.
Plus tard, alors que journalistes et téléspectateurs s’impatientent, Emmanuel Macron est pris par une cérémonie officielle : il remet la Légion d’honneur à Thomas Bach, président du Comité international olympique, en présence de l’ancien Premier ministre Michel Barnier. La matinée s’éternise et l’angoisse monte chez les centristes. « Les doutes grandissent », confie Nicolas Turquois.
« Depuis dimanche, c’est comme sur des montagnes russes. D’abord François Bayrou semblait choisi, puis tout remettait ça en question, un jour on y croit, le lendemain non, aujourd’hui on y croit à nouveau. Et plus l’heure avance, moins j’y crois. »
Nicolas Turquois, député MoDem de la Vienneà 42mag.fr
Sur les réseaux sociaux, chaque détail est scruté, comme un avion quittant Cherbourg pour Paris, ravivant des rumeurs autour de Bernard Cazeneuve. Fausse alerte. À midi, sans nom annoncer par l’Élysée, l’attente continue malgré une promesse de décision en matinée.
« Une journée quelque peu déconcertante »
Les journalistes politiques apprennent à 11h30 que le Président a reconvoqué François Bayrou pour officialiser sa nomination. Peu après, à 12h43, un communiqué sobre déclare : « Le Président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre et l’a chargé de constituer un nouveau gouvernement ».
Pour François Bayrou, ce jour rappelle une date symbolique, qu’il mentionne aux journalistes : c’est l’anniversaire d’Henri IV, né à Pau comme lui, et auquel il a consacré une biographie. Le nouvel agenda de Bayrou le mène à 14h30 aux obsèques de l’historien Jean-Pierre Rioux dans le 18e arrondissement de Paris, avant de retourner à 17 heures à Matignon pour la cérémonie de transition avec Michel Barnier.
« Je ne sous-estime pas l’ampleur des défis à affronter », déclare-t-il en entrant à Matignon. La tâche s’annonce rude pour le centriste qui devra former un gouvernement et renforcer ses alliances à l’Assemblée pour faire passer le budget. Parmi ses partisans, le soulagement succède aux tensions vécues dans ces dernières heures.
« Cette nomination fut une épreuve faite de souffrances », résume Nicolas Turquois avec « une certaine délivrance », ajoutant « que c’est un peu navrant, cette journée et tous ces détails qui ont compliqué la question », regrettant le caractère indécis qui semble émaner du gouvernement face aux événements.