L’actrice joue le rôle de Sarah Bernhardt, l’illustre tragédienne qui compte parmi les premières célébrités mondiales.
Un hommage à une icône théâtrale
Après son film déjanté Dans la peau de Blanche Houllebecq, Guillaume Nicloux s’attaque à un monument de la scène française : Sarah Bernhardt. Le réalisateur nous livre un premier long-métrage français consacré à cette légende du théâtre. Sarah Bernhardt. La Divine se distingue par une approche unique qui s’éloigne des biopics traditionnels pour explorer des moments marquants de sa vie personnelle et professionnelle et mettre en lumière son histoire d’amour passionnée avec le père de Sacha Guitry. Incarnée par une Sandrine Kiberlain au sommet de son art, ce film sera à découvrir dans les salles à partir du 18 décembre 2024.
Un rôle sur mesure pour Sandrine Kiberlain
Dans La Petite vadrouille, elle jouait le rôle de complice dans une arnaque lors d’une croisière, et dans Les Barbares, celui d’une épicière amatrice de la bouteille. Sandrine Kiberlain clôt l’année avec éclat en s’appropriant pleinement un personnage qui semble fait pour elle.
Installée dans un coin douillet d’un bar parisien, blottie contre une cheminée, Sandrine Kiberlain nous reçoit dans un gros pull en laine, sa tasse de thé entre les mains. Loin des corsets et autres jupons du film de Nicloux, elle se montre enthousiaste et décontractée.
Un coup de cœur pour le scénario
Franceinfo Culture : Qu’est-ce qui vous a séduite dans ce projet ?
Sandrine Kiberlain : Dès la première lecture du scénario, il y a cinq ans, j’ai été conquise. Guillaume Nicloux, dont j’apprécie profondément le cinéma, en est la principale raison. J’avais une idée relativement vague de Sarah Bernhardt, mais elle m’a toujours fascinée par sa stature. J’ai admiré le choix de ne pas faire un biopic classique retraçant l’ensemble de sa vie, mais plutôt de se concentrer sur quelques périodes clés, comme le jour de son triomphe célébré par ses amis et l’épreuve de l’amputation de sa jambe.
Kiberlain poursuit : « J’étais enchantée par l’idée de suivre une histoire d’amour tumultueuse qui, à travers les lettres et témoignages, illustre son ardent appétit d’aimer. Nathalie Leuthreau a écrit le scénario avec une précision admirable, intégrant des dialogues authentiques de Sarah Bernhardt. Le résultat est à la fois vrai et non académique. Je suis tombée un peu amoureuse d’elle à travers ce projet. »
Redécouverte de Sarah Bernhardt
Avant de se plonger dans le film, quelles étaient vos connaissances sur Sarah Bernhardt et sa vie ?
Pour Kiberlain, Sarah Bernhardt évoquait initialement une image dépassée. Elle raconte : « Comme tout le monde, je pensais à une tragédienne au jeu vibrato, spécialisée dans les longues agonies. Mais en lisant davantage sur elle, j’ai découvert une femme incroyablement avant-gardiste et courageuse, éprise de justice et de liberté, que ce soit dans sa vie professionnelle ou dans ses relations. »
Un personnage hors du commun
Sarah Bernhardt était-elle aussi extravagante que l’on dit ?
Kiberlain rit : « Absolument, elle vivait entourée d’animaux sauvages et n’avait peur de rien. Je me demandais souvent comment une telle personne a pu réellement exister. Sa vie était pleine de qualités et de défis. Ni dieu, ni maître, elle suivait ses désirs avec une audace qui me fascine. »
Interpréter Sarah Bernhardt
Comment avez-vous travaillé un personnage aussi excessif sans tomber dans le ridicule ?
« Il ne faut jamais redouter le ridicule. Devant la caméra, il est crucial d’être authentique, et avec un rôle aussi libre que celui-ci, il était impératif de libérer toute son énergie, » explique Kiberlain. « Sarah était une exploratrice du cœur, il fallait donc plonger à fond dans son univers. »
Sans de nombreuses références visuelles sur elle, comment avez-vous construit le personnage ?
Kiberlain trouve réconfort dans l’absence d’images animées précises de Bernhardt. « Cela nous a permis de créer notre propre interprétation, sans devoir imiter. Les photographies et les enregistrements suffisent à deviner qui elle était, » explique-t-elle. Sa démarche a été d’apprendre minutieusement le texte pour ensuite libérer son instinct sur le plateau.
« Guillaume Nicloux et moi recherchons une approche instinctive. Nous avons laissé surgir le ‘monstre’ lors du tournage, » poursuit-elle, après avoir intégré toutes les informations accumulées et essayé différents costumes.
Importance des costumes et du décor
Les costumes, c’était essentiel pour votre immersion ?
« Absolument », affirme Kiberlain. « Les vêtements, confectionnés sur mesure, ont été déterminants pour trouver la posture et l’allure royale du personnage. Ils aidaient à comprendre sa vitesse d’action, reflétée dans le rythme rapide des lacets attachés. L’histoire exigeait cette authenticité. »
Les décors ont également joué un rôle vital. « Olivier Radot, le décorateur, apporte une attention aux détails qui force l’immersion totale. L’approche anachronique de Nicloux, intégrant des éléments postérieurs à l’époque, souligne l’avant-gardisme de Sarah, » dit-elle. Ce mélange favorable a permis une exploration amusante et créative de ce personnage intense.
La modernité surprenante de Sarah Bernhardt
Qu’est-ce qui rendait Sarah Bernhardt si moderne pour son époque ?
Elle s’illustre par une vie amoureuse et professionnelle audacieuse, jouant des rôles masculins sur scène et menant une vie amoureuse libre, tant avec des hommes qu’avec des femmes. Sarah Bernhardt était une révolutionnaire en avance sur son temps, s’autorisant tout dans sa vie.
L’actrice souligne sa passion : « Sa devise était ‘Vas-y quand même !’ Ce film montre qu’elle était une force de la nature, vivant chaque instant avec intensité. »
Une grande actrice incarnant une légende
Est-ce intimidant de jouer une grande actrice quand on l’est soi-même ?
« Rien de particulier, car c’est l’ensemble du personnage que je joue, pas seulement l’actrice, » dit Kiberlain. Toutefois, elle sent la responsabilité de transmettre l’émotion que Sarah Bernhardt parvenait à provoquer chez son public. « Oublier son statut de mythe absolu était essentiel pour me plonger dans sa nature audacieuse. »
Se laisser posséder par un personnage
Vous semblez avoir été particulièrement influencée par ce rôle, non ?
« Sans aucun doute, c’était une expérience presque spirituelle. Pendant le tournage, j’étais complètement absorbée par elle. Quelque chose s’est vraiment produit. Même en dehors du plateau, j’ai eu une coïncidence troublante, découvrant une chambre d’hôtel où Bernhardt avait vécu, » confie-t-elle.
Un engagement politique
Sarah Bernhardt était-elle aussi engagée politiquement ?
« Bien sûr, elle prenait position sur des sujets encore actuels comme l’antisémitisme et les droits des femmes. Sa capacité à défendre ses convictions était admirable et inspirante, » note Kiberlain.
Un film résolument politique et contemporain
Ce film prouve être plus qu’une simple représentation d’époque. « Archimoderne et contemporain », affirme Kiberlain, soulignant combien Sarah Bernhardt est pertinente aujourd’hui, malgré l’écart temporel. « Elle nous montre l’importance de prendre des risques, de parler et de vivre pleinement. »
Enfin, pour Kiberlain, jouer ce rôle fut une révélation personnelle. Loin d’être une simple interprétation, elle y décrypte une philosophie de vie efficace et inspirante, qu’elle espère transmettre au public.