Dans leur ouvrage « Les Juges et l’assassin », Gérard Davet et Fabrice Lhomme se penchent sur le déroulement des six premiers mois de la crise sanitaire. Ils mettent en lumière le fait que certains documents alertant sur la possibilité d’une pandémie n’ont pas été pris en compte.
Cinq ans après l’émergence du Covid-19, il est temps de dresser un bilan. Un livre d’enquête, publié le mercredi 22 janvier intitulé Les Juges et l’assassin (éd. Flammarion), rédigé par les journalistes d’investigation Gérard Davet et Fabrice Lhomme, se penche sur les six premiers mois de la crise sanitaire. Cet ouvrage retrace les événements, depuis que le coronavirus a été porté pour la première fois à l’attention d’Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, jusqu’à la conclusion du premier confinement à l’été 2020.
Dans ce livre de plus de 450 pages, Gérard Davet et Fabrice Lhomme mettent à jour une cinquantaine de rapports, de plans d’action et de circulaires conçus pour anticiper une pandémie, qui n’ont cependant jamais été appliqués. S’appuyant sur un dossier judiciaire, ils décrivent l’enquête menée par trois juges de la Cour de justice de la République. Cette instance, seule habilitée à juger les actes des ministres en fonction, a enquêté sur Edouard Philippe, alors Premier ministre, ainsi que sur ses ministres de la Santé, Agnès Buzyn et Olivier Véran. L’instruction a été clôturée à la fin décembre 2024, sans qu’aucun d’eux ne soit mis en examen.
Les controverses autour des masques
Les journalistes du Monde décrivent en détail comment les priorités politiques de l’époque, telles que la réforme des retraites et les manifestations des « gilets jaunes », ont éclipsé les alertes répétées lancées par la ministre de la Santé. Cette dernière a tenté, sans succès, de faire reporter les élections municipales de mars 2020 et a demandé la mise en place de mesures strictes.
Les auteurs détaillent comment le gouvernement et les hauts responsables avaient connaissance dès 2018 de l’insuffisance des stocks de masques FFP2 et chirurgicaux pour le grand public et les professionnels de santé, sans prendre les mesures nécessaires pour reconstituer ces réserves. Au début de la crise, des responsables politiques, dont Sibeth Ndiaye, qui était alors porte-parole du gouvernement, ont minimisé l’importance des masques, malgré l’existence de documents prouvant leur efficacité.
Les auteurs révèlent également une série de messages entre Agnès Buzyn et Jérôme Salomon, alors directeur général de la santé, envoyés avant son passage devant la commission d’enquête parlementaire sur la gestion de la pandémie en juin 2020, dans le but de parer à ses lacunes. Elle aurait notamment déclaré : « Je m’aperçois que je ne sais pas définir les stades d’une épidémie ». Davet et Lhomme révèlent qu’une député de la majorité LREM a fourni des documents confidentiels à l’ancienne ministre pour l’aider à se préparer.
Les journalistes ne ménagent pas non plus la critique envers l’administration française, notamment à l’encontre de l’agence Santé publique France, qualifiée de prolifique en rapports, que les autorités semblent néanmoins ignorer. Ils racontent comment le manque de moyens financiers et humains, combiné à une volonté de réduire les dépenses, a conduit à de nombreux dysfonctionnements et à une grave pénurie de masques.
Selon les chiffres de Santé publique France, 69 000 personnes ont perdu la vie à cause du Covid-19 en France en 2020.