Le chef du gouvernement a suscité des préoccupations parmi les défenseurs de l’assistance médicalisée pour mettre fin à la vie. En effet, il a exprimé son intention de traiter de manière séparée les questions relatives à l’aide active à mourir et celles concernant les soins en fin de vie.
La décision de François Bayrou de diviser le projet de loi sur la fin de vie en deux parties suscite de vives critiques au sein du paysage politique. Ce mardi 21 janvier, le Premier ministre a fait savoir aux groupes politiques de l’ancienne majorité présidentielle qu’il souhaitait aborder séparément l’aide médicale à mourir et les soins palliatifs. Cette décision fait suite à la demande de ceux qui s’opposent à l’euthanasie et au suicide assisté.
Bien que l’idée de traiter deux textes au lieu d’un puisse sembler anodine, certains y voient une stratégie de l’exécutif pour délaisser la partie concernant l’aide médicale à mourir, perçue comme plus controversée et difficile à faire adopter au Parlement. Cette approche a provoqué l’indignation d’une partie de la sphère politique, y compris parmi les alliés du gouvernement. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a exprimé, mardi soir, son opposition à cette séparation, déclarant sur France 5 : « J’attends du gouvernement et du Premier ministre qu’ils réintroduisent ce texte dans son intégralité à l’Assemblée nationale dès aujourd’hui. »
Les défenseurs de l’aide à mourir redoutent son retrait
La question de la fin de vie a été au cœur d’une convention citoyenne et a nécessité un long travail de la part de plusieurs gouvernements avant qu’un projet ne voie le jour à l’Assemblée nationale au début de 2024. Son examen a été interrompu par la dissolution décidée par Emmanuel Macron en juin dernier. Pour les partisans de l’aide à mourir, c’est une question cruciale de liberté et de dignité, tandis que les opposants, tels que certains religieux et professionnels de la santé, redoutent une implication éthique périlleuse.
En choisissant de séparer les textes, François Bayrou répond à la demande de ces opposants et reprend des arguments de ceux qui doutent de l’aide à mourir. Selon Eric de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France, cette décision représente « une mesure de sagesse », comme il l’a déclaré mercredi sur « ici Champagne-Ardenne ».
À l’opposé, Olivier Falorni, député MoDem et initiateur d’une nouvelle proposition de loi déposée en septembre sur ce sujet, déclare que « séparer les deux n’a aucun sens ». Selon lui, il s’agirait de dire : « Adoptons une loi sur les soins palliatifs puis laissons passer des années avant de légiférer sur l’aide à mourir », a-t-il commenté mardi à 42mag.fr.
Du côté de la gauche, Hadrien Clouet, député de La France insoumise, a dénoncé ce qu’il considère être un « sabotage », estimant que « François Bayrou cherche à torpiller le texte, car il a toujours été opposé à l’aide à mourir ». La société civile partage la même inquiétude. L’Association pour le droit à mourir dans la dignité s’est questionnée sur le réseau X : « Séparer le texte, c’est céder aux représentants religieux et aux opposants à l’euthanasie, séparer pour finalement ne rien faire? »
Le gouvernement promet de traiter le texte au Parlement « dès que possible »
Plusieurs membres du gouvernement ont exprimé leurs réserves quant à la question de l’aide à mourir, à commencer par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui avait précédemment déclaré ne pas vouloir que le texte soit réintégré à l’ordre du jour parlementaire. François Bayrou, dont les pratiques religieuses sont bien connues, avait aussi manifesté son opposition à « un service public pour donner la mort » lors d’une interview accordée au Figaro en 2023.
Face aux critiques, des sources proches du Premier ministre ont affirmé à France Télévisions que « la séparation du texte » était bénéfique, affirmant que cela permettrait « de mettre ces sujets au cœur du débat en les mettant en avant médiatiquement ». La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a déclaré mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, que le gouvernement ne comptait pas « abandonner » le projet d’aide légale à mourir, et qu’il serait présenté « dès que possible » au Parlement. Elle a souligné que le Premier ministre tient beaucoup à « cette liberté parlementaire de répondre à chacun de ces sujets ».
La date d’examen du texte par le Parlement devrait être annoncée dans les semaines à venir, après que le gouvernement ait finalisé l’ordre du jour des débats. Olivier Falorni a assuré que les parlementaires iraient jusqu’au bout sur ce débat à l’Assemblée, affirmant que bien que François Bayrou ait donné son avis, les députés mèneront les actions qu’ils jugeront nécessaires.