Vendredi, le dirigeant de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) s’exprime sur 42mag.fr, alors que Bruno Retailleau a pris des mesures plus strictes concernant la régularisation des personnes en situation irrégulière.
Le ministre vise à mettre fin aux régularisations continues
Le ministre de l’Intérieur a exprimé son souhait d’en finir avec les régularisations « au fil de l’eau », a expliqué Didier Leschi, directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), lors d’une intervention sur 42mag.fr, le vendredi 24 janvier. Un peu plus tôt ce même jour, Bruno Retailleau, en déplacement dans les Yvelines, a présenté sa nouvelle circulaire destinée aux préfets. Ce texte vise à durcir les conditions de régularisation des personnes en situation irrégulière en France.
Les régularisations étaient-elles systématiques jusqu’à présent ?
Didier Leschi : Dans les faits, environ 30 000 à 35 000 régularisations étaient effectuées chaque année. Cependant, il est important de noter que ces régularisations ne représentent pas le principal canal de l’immigration en France, qui se fait plutôt de manière légale. Le problème principal concerne ceux qui arrivent en France de façon irrégulière.
Les critères de régularisation sont-ils trop permissifs ?
La question ne se pose pas vraiment en ces termes. Par rapport à d’autres pays, la France a souvent pratiqué une régularisation progressive, ce qui est assez unique en Europe. Cette approche est assez exceptionnelle et semble être ce que le ministre souhaite modifier.
Adopte-t-on une approche au cas par cas ?
Chaque régularisation est effectivement traitée individuellement. Elles reposent sur des critères bien définis, comme l’emploi, la scolarisation des enfants ou la durée de séjour en France. Ce processus est ancien et n’est pas commun dans d’autres pays. Actuellement, le nombre d’immigrés réguliers en France a considérablement augmenté, avec une hausse de 35 % en 15 ans, et plus de 4 millions de titres de séjour sont aujourd’hui actifs, soit une augmentation de 70 % depuis le début du siècle.
Qu’en est-il par rapport aux normes européennes ?
L’Europe dans l’ensemble reste ouverte à l’immigration légale, avec environ 3,5 millions de titres de séjour enregistrés en 2023 à travers le continent. Cela signifie qu’entre 12 % et 13 % de la population européenne est constituée d’immigrés, une proportion comparable à celle observée en Amérique du Nord. Toutefois, dans d’autres régions comme l’Amérique latine, les immigrés représentent environ 3 % de la population.
Le regroupement familial est-il trop souple en France ?
Les critères pour le regroupement familial en France sont effectivement plus larges comparativement à d’autres pays, sans conditions spécifiques de langue ou de revenu dans certains cas. Par exemple, un Français qui se marie avec un étranger bénéficie de l’immigration familiale de droit, ce qui n’est pas nécessairement le cas ailleurs en Europe.
Critères linguistiques et économiques pour l’obtention du séjour
Il faut bien comprendre le contexte. La France, comme l’Europe, reste un espace ouvert à l’immigration. En 2023, plus de 320 000 nouveaux titres de séjour ont été délivrés. La question est de déterminer si, en plus de ces autorisations régulières, le pays doit accepter des personnes n’ayant pas de droit établi au séjour. Ce débat est présent dans toute l’Europe, accentué par le fait que certains nouveaux arrivants peinent à s’intégrer, notamment dans des économies en difficulté comme celle de la France. Par exemple, plus de 30 % des immigrés en France vivent sous le seuil de pauvreté. Même l’Allemagne, dirigée par les sociaux-démocrates, a dû poser des limites à l’immigration, y compris irrégulière, car ils ont des difficultés à intégrer l’immigration régulière. À titre d’exemple, 35 % des Syriens en Allemagne sont au chômage.
La question des moyens pour améliorer l’intégration
Les ressources destinées à l’intégration doivent être orientées vers ceux qui ont un droit de séjour. Parmi les 320 000 titres de séjour, 31 % des immigrés légaux vivent sous le seuil de pauvreté. Priorité doit être donnée à leur intégration. Le débat public se concentre malheureusement sur l’immigration irrégulière, alors qu’un bon sens consisterait à bien intégrer les arrivants réguliers. Cela reflète une discussion qui traverse toute l’Europe et n’est pas spécifique à la France.