La réputation de la France dans le domaine des romans graphiques et de l’animation est largement applaudie à l’international. Selon Somto Ajuluchukwu, un réalisateur et producteur originaire du Nigeria, la France offre un exemple enrichissant à suivre pour son pays, où cette industrie présente de nombreuses promesses.
Bien que Somto Ajuluchukwu ne soit pas présent cette année au Festival d’Angoulême, le réalisateur et producteur nigérian s’inspire depuis longtemps de l’expertise française en matière de bande dessinée et d’animation. En tant que PDG et fondateur de Vortex Corp, un pionnier dans la création de contenu, Ajuluchukwu considère le cadre français comme une immense « source d’inspiration ». « C’est un marché bien établi depuis plusieurs décennies, doté de solides éditeurs, d’importantes subventions publiques, sans oublier le grand festival d’Angoulême, » déclare-t-il. Ce dernier réunit les acteurs de l’industrie avec les marchés mondiaux, facilitant ainsi la publication et la distribution de contenus à travers le globe, une chance aussi pour nous de publier tant en France qu’à l’international », ajoute-t-il.
L’année dernière, Vortex Corp a présenté le projet d’animation Detective Jacqueline lors du marché de l’animation du Festival d’Annecy où il a été choisi. Le court métrage de 7 minutes est actuellement en cours de réalisation. De plus, en octobre dernier, Ajuluchukwu a séjourné à Angoulême dans le cadre d’un programme de mobilité dédié aux créateurs de bande dessinée africains, leur permettant d’explorer le savoir-faire français. Organisé par l’Institut français, ce programme est intégré à Création Africa, une plateforme pour les industries culturelles et créatives initiée par la France en 2023.
Comme beaucoup de ses homologues africains, Ajuluchukwu est convaincu que la bande dessinée et l’animation ont le pouvoir de transformer les récits autour du continent africain. « Pour moi, ce sont des moyens d’exporter notre culture à l’international. Les médias dominent la perception culturelle, et la BD et l’animation nous offrent une opportunité de narrer nos histoires à notre manière avant qu’elles ne soient interprétées par d’autres, » explique-t-il. Pour Ajuluchukwu, il ne s’agit pas seulement d’une carrière, mais d’une véritable mission de vie.
Ajuluchukwu est enthousiasmé par le potentiel que représente cette industrie visuelle. Sa société a donné naissance à Vortex247.com, une plateforme en ligne innovante proposant des BD et des webtoons à ses abonnés pour seulement 5 dollars par an, soit moins de 5 euros. « Nous avons plus de 170 romans graphiques de 20 pays africains, réalisés par une soixantaine d’artistes, » précise-t-il. La plateforme, qui souhaite proposer « des contenus africains au monde », compte déjà environ 13 000 abonnés et bénéficie d’un marché local en pleine expansion. « Avec près de 200 millions d’habitants au Nigeria, et 15 millions rien qu’à Lagos, nous avons des productions qui captivent différents segments du public. »
Inspiré par « Omo Boy »
Somto Ajuluchukwu a développé un intérêt pour la bande dessinée dès son enfance, ses parents, en particulier sa mère, l’encourageaient dans cette voie en lui offrant régulièrement. De plus, son grand frère était adepte de ce genre littéraire. Pourtant, l’étincelle réelle se déclenche bien plus tard, lors de ses études universitaires, avec la découverte de sa première BD locale nigériane. Fasciné par Omo Boy, il réalise que « les Nigérians créent des bandes dessinées très originales. » Avant cela, il avait seulement été exposé à Supa Striker, une bande dessinée sud-africaine avec des personnages nigérians, mais les BD nigérianes étaient une véritable révélation.
Ajuluchukwu estime que « le potentiel du Nigeria est immense et l’industrie connaît une formidable progression. » En ce qui concerne les webtoons et l’animation, le Nigeria compte maintenant plus de 60 studios. Avec VX Studios, qu’il a fondé pour produire son premier court métrage d’animation, Town Crier, en 2016, il a depuis réalisé deux autres œuvres : Orange City en 2019 et Glych en 2022. Il a également produit des vidéos clips pour des stars de l’Afrobeat comme Rema et Wizkid.
« Sur le continent africain, l’Afrique du Sud domine le secteur de l’animation, bien que le Nigeria ne soit pas très loin derrière, » mentionne Ajuluchukwu. Pour illustrer la bonne santé de l’industrie nigériane, il note que Disney a récemment collaboré avec une société ougandaise et nigériane, Kugali, pour créer la mini-série Iwájú.
Néanmoins, la formation des nouveaux talents représente un défi majeur. « La formation est l’un de nos plus grands défis, car les universités n’offrent pas de cursus spécifiques à l’animation, » explique-t-il. C’est pourquoi Vortex Corp organise des programmes de formation pour ses stagiaires dans ses deux studios.
Attirer des investisseurs locaux
En plus de la formation, Ajuluchukwu souligne l’importance des investissements pour les professionnels nigérians. « L’animation nécessite beaucoup de main-d’œuvre, » ce qui signifie qu’il faut payer des salaires dans les studios. Il observe que, comparativement, en France, des subventions et un soutien étatique fort ont aidé à structurer le secteur.
Pour cette raison, la participation de Vortex Corp à des événements internationaux vise à attirer des investisseurs étrangers. Dans cette démarche, l’Institut français et la France ont été « de précieux alliés, » facilitant la visibilité de sa société. Ajuluchukwu ambitionne que dans « les cinq prochaines années, » il puisse également convaincre des investisseurs nigérians, d’autant plus que l’industrie locale de l’animation connaît un succès croissant.