Depuis sa nomination en tant que ministre de l’Intérieur, celui qui dirigeait auparavant les sénateurs du parti Les Républicains est sorti de l’anonymat pour occuper le devant de la scène. Il envisage maintenant sérieusement de se présenter à la future élection présidentielle.
Des ambitions présidentielles qui prennent du temps à se manifester
Certaines aspirations à la présidence ne se révèlent qu’avec le temps. Selon l’entourage de Bruno Retailleau, devenir président n’était absolument pas dans ses plans lorsqu’il est arrivé au ministère de l’Intérieur en septembre, avec Michel Barnier comme Premier ministre. À l’aube de ses 64 ans, il a progressivement gravi les échelons de la popularité grâce à son omniprésence médiatique et à ses positions très à droite. Soutenu discrètement par des figures influentes de son parti, cet ancien sénateur envisage sérieusement de prendre la tête des Républicains, et rêve aussi de l’Élysée.
Une entrée en campagne inattendue
Bruno Retailleau a surpris Laurent Wauquiez en décidant de se présenter, alors qu’il n’envisageait pas du tout de candidature jusqu’en janvier. Il a rapidement mis en place une stratégie bien conçue : lettre aux militants, lancement d’un site de campagne et événement dans un bar parisien où ses partisans scandaient « Bruno président ! ». Depuis, il sillonne la France, ayant déjà visité les Yvelines, l’Isère et la Drôme, et prévoit un meeting à Lille le 27 février. Mais à l’Assemblée nationale, son nom divise, notamment au sein des députés LR. « C’est du gâchis », se lamente Fabien Di Filippo de la Moselle. Les soutiens de Wauquiez espéraient éviter une confrontation interne en gardant chacun leur rôle bien défini au sein du parti.
Changer son image grâce au gouvernement
Un plan bien rôdé voyait Wauquiez et Retailleau se présenter ensemble après les législatives avec des initiatives communes. Même après l’entrée de Retailleau au gouvernement en septembre, l’entente semblait durer. Retailleau avait affirmé soutenir Wauquiez pour la présidence de LR en novembre. Cependant, une fois au gouvernement, Retailleau a multiplié les apparitions médiatiques et réaffirmé ses positions fermes, ce qui lui a permis de grimper dans les sondages d’opinion.
En trois mois seulement, il est passé de la 27e à la 5e place du classement Ifop des personnalités politiques. Sorti de l’ombre en tant que chef de file au Sénat, Retailleau devient maintenant une figure de proue. « Il s’est produit quelque chose entre Bruno Retailleau et le public de droite, » remarque le sénateur Max Brisson, s’interrogeant sur l’origine de cette popularité soudaine.
Un rival à la droite du RN
Retailleau se positionne aussi comme un fervent adversaire du trafic de drogue, une préoccupation grandissante selon divers sondages. Sa volonté de renforcer la sécurité répond aux attentes d’une majorité de Français. Selon Bruno Cautrès du Cevipof, sa détermination résonne dans une opinion publique en recherche de fermeté sur ces questions. Cependant, son efficacité en tant que ministre est mise en doute par ses adversaires politiques.
Jordan Bardella, potentiel rival, exige des résultats concrets, soulignant la proximité des positions de Retailleau avec celles du Rassemblement National sur certains sujets, notamment le contrôle des frontières. Cette proximité crée une compétition pour être perçu comme le candidat de la fermeté sur l’ordre public.
L’appui discret de figures de droite
Les ambitions de Retailleau sont également soutenues en coulisses. Un mouvement anti-Wauquiez s’est formé, convainquant Retailleau d’entrer dans la course grâce à des encouragements de figures telles que Pécresse, Larcher, Copé, et Bertrand. Jean-François Copé admet avoir joué un rôle clé dans cette décision, en mettant en avant les faiblesses de Wauquiez.
Cette coalition contre Wauquiez voit en Retailleau quelqu’un capable de contester l’extrême droite. Copé souligne la nécessité d’un candidat unique responsable et doué pour dialoguer en 2027, déclarant que ni Wauquiez ni ses méthodes ne sont à la hauteur.
Préparer LR pour la présidentielle de 2027
La campagne se durcit, car elle n’impacte pas seulement l’avenir immédiat des Républicains mais aussi les perspectives pour 2027. L’issue de cette élection interne déterminera comment sera choisi le candidat de droite pour les prochaines présidentielles, ainsi que le programme proposé. Plus le candidat représente la droite traditionnelle, plus il libérera de l’espace pour un candidat du centre.
Retailleau, avec ses yeux fixés sur 2027, croit pouvoir rassembler et élargir le parti pour renforcer sa position stratégique. Il espère inclure le mouvement Sens Commun, bien que certains pensent que celui-ci a un potentiel limité. Retailleau devra toutefois composer avec un emploi du temps chargé de ministre, rendant sa campagne plus contrainte que celle de ses rivaux. En visant une élection rapide qui aurait capitalisé sur ses gains dans les sondages, il doit désormais patienter jusqu’au 17 mai, tout en négociant avec la pression et les résultats à obtenir.