En fait, le fait que cette mesure n’ait pas été adoptée par l’Assemblée nationale ne change rien à la mise en œuvre de la réglementation de l’Union européenne, étant donné que le droit de l’UE prévaut sur les lois nationales.
Un vote futile ? Une majorité de députés a choisi, lundi 17 février, de ne pas intégrer dans le droit français la date de 2035 établie par l’Union européenne pour l’arrêt de la vente de véhicules neufs à moteur thermique. Cette échéance européenne est destinée à remplacer celle de 2040, précédemment établie par la France. Après ce refus, Marine Le Pen a rapidement félicité, via X, « les députés du Rassemblement national » qui, d’après elle, ont réussi à bloquer « une mesure insensée ». Mais qu’en est-il réellement ?
En fait, le choix des députés français n’affecte pas la mise en place de cette interdiction dans l’Union européenne, et par conséquent en France. Cette interdiction découle du règlement européen 2023/851 promulgué le 19 avril 2023. Ces réglementations européennes « sont contraignantes dans tous leurs aspects et s’appliquent directement dans tous les États membres de l’UE », comme l’indique la réglementation de l’Union européenne. « L’interdiction a un effet direct, elle sera appliquée dès 2035 sur notre sol sans nécessiter de transposition interne, explique l’avocat Arnaud Gossement. Un État seul ne peut pas éliminer cette mesure de son propre chef. »
Un ajustement du droit français en question
Alors, pourquoi les députés ont-ils exprimé leur vote sur ce sujet, alors qu’ils n’ont aucune influence en matière de législation européenne ? Pour comprendre, il faut se pencher sur le texte examiné par l’Assemblée nationale ce lundi-là. Il s’agit du projet de loi « DDADUE » visant à aligner le droit français sur les évolutions législatives récentes de l’Europe. « Ce texte est technique et s’assure que les décisions européennes soient reflétées clairement dans le droit français », explique Arnaud Gossement.
Dans les nombreux articles de ce projet de loi, l’article 35 prévoyait de modifier l’interdiction de vendre des véhicules thermiques en 2040, qui avait été initialement fixée par la France, pour se conformer à la date de 2035 prévue par la réglementation européenne dans toute l’UE. Cette mise en conformité visait à garantir « la clarté, l’intelligibilité et l’accessibilité du droit ».
Certains députés ont toutefois utilisé ce vote pour marquer leur position politique. Un amendement, présenté par les députés du Rassemblement national, proposait de supprimer cet article 35. Cet amendement a été adopté de justesse par 34 voix, principalement du RN, contre 30 députés de groupes tels que Renaissance, les Ecologistes et La France insoumise, qui s’y opposaient.
« Une démarche purement politique »
Ce refus a donné l’opportunité aux députés du RN de réaffirmer leur opposition à l’interdiction prévue pour 2035… cependant, cela n’affectera en rien les normes effectives en France à ce moment-là. « Cet amendement s’est contenté d’éviter d’adapter le droit français, mais n’apporte aucun autre changement. C’est simplement de la politique », commente Arnaud Gossement.
Ce coup d’épée dans l’eau n’a pas tardé à susciter d’autres réactions politiques, notamment de l’extrême droite. « L’Assemblée nationale a rejeté le projet délirant de mettre fin aux moteurs thermiques en 2035 ! Mais comme l’UE le préconise, ce vote ne servira à rien ! », a commenté sur X Nicolas Dupont-Aignan. Le chef de Debout la France en a profité pour réclamer la « restauration de la primauté du droit national sur le droit européen ». Florian Philippot, le leader des Patriotes, plaide de son côté pour quitter l’Union européenne « sans tarder ».
Donc, l’interdiction de la vente de véhicules thermiques neufs en 2035 reste bien une question traitée à l’échelle de l’Union européenne. Une « clause de réexamen » est également envisagée pour 2026 afin d’évaluer l’objectif fixé pour 2035. Ce seront alors les institutions européennes, et non les députés français, qui trancheront sur ce sujet.