Bien que le gouvernement ait placé la lutte contre le trafic de drogue au sommet de ses priorités nationales, de nombreux témoignages s’accordent à dire que certains parlementaires et leurs assistants ont recours à des substances illicites. Ils utilisent ces produits en partie pour gérer leur volume de travail intense et le stress auquel ils sont soumis.
Un rythme de vie effréné
Fabien*, témoin direct, raconte l’histoire d’un ancien député, adeptement connu pour sa dépendance à la drogue, notamment la 3-MMC, lors de son mandat à l’Assemblée nationale. Ce produit, à la fois extrêmement addictif et dangereux, a modifié son comportement hebdomadaire de façon perceptible. Le début de semaine le voyait joyeux et plein de vie, mais au fil des jours, son humeur se dégradait, culminant en une profonde détresse chaque vendredi. Le tournant est survenu entre août et septembre 2023, une période où il devenait impossible d’ignorer son état. Les rumeurs circulaient : sa rougeur, sa transpiration excessive ; tout le monde se demandait ce qu’il consommait. Fabien affirme avoir des preuves de cette toxicomanie, malgré le fait de n’avoir jamais assisté à ses prises de drogue en personne.
L’information a rapidement atteint le groupe parlementaire du député en janvier 2024. Une convocation s’ensuivit, durant laquelle l’élu admit son malaise et exprima le désir d’abandonner cette dépendance, une tâche bien plus ardue qu’elle ne paraît. Un traitement médical lui fut proposé, qu’il accepta. Selon une source proche, l’environnement de travail stressant, avec des nuits passées à l’Assemblée et une cadence imposante, étaient en partie responsables de sa chute. Une autre source affirme que cette déviance a commencé à s’accentuer dès son entrée en fonction.
Le groupe parlementaire se vante d’avoir pris des mesures rapides, affirmant que l’élu ne consomme plus rien aujourd’hui. Malgré une nouvelle investiture par son parti, il a été défait aux élections législatives anticipées de l’été dernier. L’affaire, bien que discrètement menée, n’est pas un incident isolé. De nombreux députés, anciens élus et assistants parlementaires ont partagé avec 42mag.fr cette réalité que beaucoup décrivent comme « extrêmement taboue ».
Substances en tous genres
Dans de nombreux entretiens, la phrase « Tout le monde savait » revient. L’arrestation mi-octobre du député La France insoumise, Andy Kerbrat, pour l’achat de 3-MMC a rebondi dans les discussions. À la suite des révélations de Mediapart, il a annoncé un protocole de soins pour combattre sa dépendance, tout en admettant des erreurs de gestion de frais de mandat, bien qu’il nie leur utilisation pour l’achat de drogue. Cette affaire a suscité l’attention du déontologue de l’Assemblée. Auparavant, Emmanuel Pellerin, député macroniste, avait aussi attiré l’attention du public en début d’année 2023 suite à des révélations de consommation de cocaïne, avant et après son élection.
Malgré ces scandales, les affaires de drogues demeurent perçues individuellement, sans déclencher de réforme globale parmi les groupes concernés. La consommation de ces substances, qui touche apparemment toutes les formations politiques, se déroule parfois en solitaire, mais peut aussi être observée dans des contextes festifs, incluant des soirées au sein même de l’Assemblée. Un ancien député du centre décrit une soirée en 2018 où l’usage de cachets et des comportements déplacés envers des femmes l’ont poussé à s’en aller.
Ce climat festif s’étend au-delà du Palais-Bourbon, où des rencontres entre élus et conseillers voient circuler différentes drogues, surtout la cocaïne, perçue comme un moyen de tenir le rythme et d’ajouter une touche de festivité.
L’influence du mode de vie parlementaire
Les exigences du poste de député peuvent expliquer certaines dérives. Des témoins décrivent un rythme de vie intense, avec des sessions de nuit et d’innombrables réunions. Arthur Delaporte, député socialiste, partage sa surprise face à l’engagement physique exigé par le mandat, rappelant que peu de professions échappent à un repos hebdomadaire comme les députés. Pour certains, cette pression conduit à des compensations alimentaires, tabac, alcool ou même drogues.
La dissolution politique après les élections européennes de juin 2024 accentua « le stress et la tension », note Arthur Delaporte. Le climat anxiogène était autant institutionnel que psychologique, une atmosphère que le député MoDem Erwan Balanant, opposé aux séances nocturnes, juge propice aux abus.
Outre les drogues dures, le cannabis est aussi consommé par certains parlementaires, une façon pour eux de gérer leur stress, bien que cela reste marginal.
Les défis du travail parlementaire
Les équipes parlementaires subissent également une forte pression, jonglant entre communication, création de législation et imprévus constants. Cette disponibilité de tous les instants s’accompagne d’une consommation d’alcool souvent excessive, un sujet sur lequel de nombreux anciens assistants parlementaires s’accordent.
Si la vente de boissons alcoolisées à la buvette de l’Assemblée cessait, les bars adjacents ne tarderaient pas à être bondés, souligne un conseiller ministériel. Des députés en état d’ébriété ne sont un secret pour personne, ce qui suscite des inquiétudes quant à leur santé.
Un secret de polichinelle
Des ex-parlementaires, aujourd’hui retirés, réalisent la portée de leurs excès passés. L’un d’eux se souvient avoir consommé jusqu’à quinze verres de vin par jour, une routine qui exacerbe la désinhibition, notamment lors de fêtes post-débat en hémicycle.
La réponse institutionnelle à ces enjeux reste en suspens. L’entourage du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, insiste sur la prise au sérieux du problème, bien que des incidences spécifiques demeurent floues.
La possibilité de tests anonymes pour les parlementaires a été évoquée par le maire de Grenoble, Eric Piolle, une idée qu’un ancien député approuve. Gerald Darmanin, ministre de la Justice, a admis que des cercles influents consomment de la drogue, prêt à passer tous les tests pour prouver le contraire.
L’Assemblée nationale n’a pas communiqué sur ces sujets, un tabou persistant que personne ne semble prêt à briser, regrette un ancien assistant parlementaire.
*Nom modifié pour garantir l’anonymat du témoin.