D’après les renseignements obtenus par l’équipe d’enquête de Radio France et le quotidien Le Monde, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) a récemment saisi le parquet de Paris par le biais d’un signalement accompagné d’une plainte. Cette action vise Apple et concerne la collecte extensive d’enregistrements effectuée par son assistant vocal, Siri.
Apple et la collecte de Siri : Une plainte déposée par la LDH
La Ligue des Droits de l’Homme (LDH) a officiellement déposé, le jeudi 13 février, une alerte auprès du Parquet de Paris visant Apple en relation avec la collecte significative d’enregistrements par son assistant vocal Siri. Cette action en justice, apprise par l’équipe d’investigation de Radio France et le quotidien Le Monde, est une plainte contre X pour violation de la vie privée, traitement illicite des données et pratiques commerciales trompeuses, fondée sur les révélations d’un ancien employé devenu lanceur d’alerte.
Cette démarche intervient à un moment stratégique pour Apple, alors que la justice californienne doit se prononcer le vendredi 14 février sur le recours collectif intitulé « Lopez vs Apple ». Ce recours, intenté par des utilisateurs américains, accuse Apple d’avoir capté, traité et stocké leurs conversations privées sans leur accord durant la période de 2014 à 2024. Ces données auraient été employées pour des fins commerciales plutôt que pour simplement améliorer les fonctionnalités de Siri ou de la fonction Dictée de leurs appareils.
Malgré le déni constant de ces accusations par Apple, la firme intellectuellement s’est engagée à établir un fonds d’indemnisation de 95 millions de dollars afin d’éviter de nouvelles poursuites aux États-Unis. Si l’accord est validé par la justice californienne, les utilisateurs américains de divers appareils Apple pourront recevoir une compensation de 20 dollars par appareil possédé.
Un vaste programme d’écoute et d’analyse
En France, la plainte déposée repose principalement sur le témoignage de Thomas Le Bonniec, un lanceur d’alerte et ancien employé du projet Crowd Collect, qui embauche des analystes du monde entier pour améliorer les réponses multilingues de Siri. Avant ses révélations, le processus massif d’écoute, de transcription et d’annotation des enregistrements captés par Siri était largement méconnu des utilisateurs d’Apple.
En 2019, Thomas Le Bonniec rejoint Globe Technical Services à Cork, en Irlande, près d’un site historique d’Apple. Recruté avec de nombreux autres européens pour analyser les données dans leur langue, Le Bonniec décrit un environnement de travail impliquant des milliers d’analystes, dont lui-même traité environ 1 300 enregistrements par jour avec une précision exigée à plus de 90 %. D’autres collègues se chargeaient de l’étiquetage, reliant les mots-clés des enregistrements aux données sur les appareils.
Les répercussions de ces tâches sont vastes : Globe Technical Services traite des millions d’enregistrements, et Apple affirme que Siri reçoit plus de 25 milliards de requêtes mensuelles. La législation européenne via le RGPD, qui dicte le consentement éclairé des utilisateurs, semble non respectée par Apple selon la plainte.
Des révélations troublantes sur des conversations privées
Au cours de son emploi chez Globe Technical Services, Thomas Le Bonniec et ses collègues ont écouté un nombre énorme d’enregistrements accidentels révélant des conversations privés inopinées. Des détails intimes, parfois violents ou gênants, étaient captés, y compris des discussions portant sur la santé ou les opinions politiques. Les conversations enregistrées par erreur illustraient aussi des moments divers, allant de la communication banale aux interactions les plus privées, telles que des enfants utilisant des appareils.
Un guide destiné aux analystes chez Globe avertit que les enregistrements peuvent contenir des contenus sensibles. Thomas Le Bonniec, après avoir signalé un enregistrement à caractère sexuel et écouté des dizaines de milliers d’heures d’enregistrements, décide de briser sa clause de confidentialité, accusant Apple de mettre en œuvre un « système d’écoute généralisé ». Doté désormais du statut de lanceur d’alerte, Le Bonniec souhaite que des enquêtes sur ces pratiques soient menées au sein des GAFAM.
Apple répond et défend sa position
Apple insiste sur l’engagement de Siri en faveur de la confidentialité, expliquant que les données collectées servent à améliorer le service sans être utilisées à des fins de marketing et ne sont jamais vendues. Pourtant, certains utilisateurs français, comme Jérôme, restent sceptiques, convaincus que leurs conversations privées impactent le ciblage publicitaire perçu via leurs appareils Apple.
Luc Julia, co-créateur de Siri, défend la démarche d’amélioration du service et nie tout usage de ces données à des fins commerciales, exhortant à comprendre la nécessité de traitement humain pour perfectionner les réponses de Siri. Pour Julia, Apple prendrait un énorme risque en exploitant ces données, ce qui n’est pas dans son intérêt d’après lui.
Contact pour alertes et enquêtes journalistiques
Pour soumettre une information de manière sécurisée et anonyme à l’équipe d’investigation de Radio France, vous pouvez visiter alerter.radiofrance.fr.