Selon l’accusation, cet argent pourrait avoir pour origine des fonds libyens. Ces fonds auraient été initialement déposés sur un compte appartenant à Ziad Takieddine, un intermédiaire franco-libanais. Par la suite, l’argent aurait été utilisé pour financer la campagne électorale de Nicolas Sarkozy à travers des retraits en espèces.
Comment l’argent aurait-il pu circuler dans cette affaire délicate ? Le tribunal correctionnel de Paris a examiné en profondeur cette question cruciale le jeudi 6 février, un sujet qui a été implicitement abordé depuis le début des audiences dans l’affaire des soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Thierry Gaubert, un des protagonistes de l’affaire, a été questionné longuement à la barre sur ce sujet, affrontant pendant plus de cinq heures les questions précises de la présidente, Nathalie Gavarino. Les confusions et hésitations de Gaubert, qui a collaboré avec Nicolas Sarkozy à la mairie de Neuilly puis au ministère du Budget dans les années 1980 et 1990, ont même suscité des éclats de rire parmi l’assistance.
À 74 ans, l’ancien cadre des Caisses d’épargne se retrouve sur le banc des accusés dans ce dossier pour association de malfaiteurs. Il doit justifier un dépôt de 440 000 euros effectué le 8 février 2006 sur son compte bancaire aux Bahamas, un versement qui a également entraîné pour lui une condamnation pour fraude fiscale.
L’instruction a déterminé que cet argent pourrait bien avoir alimenté la campagne électorale de Nicolas Sarkozy, car selon les investigations, la somme provenait des caisses publiques libyennes et a transité par un compte libanais lié à l’homme d’affaires Ziad Takieddine. Bien qu’il soit jugé en son absence, cet homme s’est rapproché de Thierry Gaubert en 1995. Cependant, Gaubert prétend que leurs relations se sont détériorées dès 2005.
« Je ne comprends pas totalement la logique de ce flux de fonds »
« Pouvez-vous expliquer concrètement comment ces 440 000 euros ont été utilisés ? », demande d’entrée de jeu la présidente. Thierry Gaubert reste silencieux, cherchant ses mots. « Euh… comment ont-ils été utilisés ? Hum… donc euh… », balbutie-t-il. Le prévenu finit par déclarer que l’argent a été consacré à des travaux dans une propriété acquise sur un coup de cœur en Colombie « au début des années 2000 ».
Il précise que les virements ont été destinés à l’homme en charge des travaux dans sa villa, surnommée « Cactus », qui est également le nom de son compte aux Bahamas. « En réalité, l’argent transitait par un architecte commandité pour superviser les travaux, qui lui-même se chargeait alors de [répartir] les fonds », explique Thierry Gaubert.
« Je cherche à comprendre la logique de ces 440 000 euros pour des travaux dans une maison en Colombie, mais pour l’instant, je ne la cerne pas », rétorque la présidente. Nathalie Gavarino s’interroge également sur les retraits d’espèces importants effectués depuis le compte « Cactus », notamment par le biais d’une carte prépayée, à hauteur de 80 000 à 100 000 euros par an en 2006 et 2007. Thierry Gaubert soutient que ces sommes étaient destinées « aux nécessités du quotidien », bien que son ex-épouse ait nuancé cette version lors de l’enquête.
Dans le journal de Thierry Gaubert, la mention « NS campagne »
D’autres éléments relevés par le Parquet national financier contredisent cette version. L’un des procureurs se réfère à la chronologie des événements: d’abord, la rencontre fin décembre 2005 entre l’ex-ministre Brice Hortefeux et Abdallah Senoussi, ancien chef du renseignement militaire libyen et beau-frère de Mouammar Kadhafi. Ensuite, la mention « NS campagne » inscrite sur le planning électronique de Thierry Gaubert en janvier 2006.
Ce sont Suivi de deux voyages à Tripoli de Ziad Takieddine, qui reçoit entre-temps un virement depuis les services libyens. En début février 2006, une société dont Takieddine est bénéficiaire effectue finalement le virement de 440 000 euros vers le compte « Cactus » de Thierry Gaubert.
« Pourquoi avez-vous perçu cette somme de 440 000 euros, ayant pour origine indirecte des fonds libyens? », questionne l’un des procureurs. « Montrez-moi une seule ligne de dépenses qui aurait alimenté la campagne ! », réplique le septuagénaire, qui expose les dépenses réalisées depuis son compte. Cependant, le prévenu, risquant une peine de dix ans de prison beaucoup comme ses coaccusés, peine à convaincre. Les audiences reprendront lundi.