Dans ce film documentaire, l’acteur se dévoile en profondeur, notamment grâce à des scènes personnelles qu’il a capturées lui-même avec son téléphone portable.
Portrait sans Concession de Vincent Lindon
Vincent Lindon se livre sans retenue dans un documentaire puissant intitulé Cœur Sanglant, réalisé par Thierry Demaizière et Alban Teurlai. Il est diffusé sur Arte le mercredi 5 février et disponible dès maintenant sur Arte.tv. Dans ce film, Vincent Lindon brosse un autoportrait sans compromis : "Je n’ai aucune patience. Je suis très irritable (…) Je suis d’un égoïsme et d’un égocentrisme sans pareil (…). Je suis avide de pouvoir. (…) Je veux être le meilleur. À tout moment. Et je veux que tout le monde le sache."
Dans une introspection saisissante, l’acteur se dévoile de manière bouleversante, presque dérangeante, mais captivante. Dès les premières scènes, on est frappé par la franchise avec laquelle il se dévoile. Cependant, il conserve une discrétion affectueuse lorsqu’il s’agit de sa compagne et de ses enfants, évoquant ces relations avec retenue et respect.
Le documentaire présente un Vincent Lindon isolé, à la Closerie des Lilas, devant une assiette de bulots, désespérant de ne pas avoir trouvé de compagnie après plusieurs appels infructueux. On le voit aussi au téléphone, furieux contre un journaliste pour avoir mentionné son nom sans autorisation. Dans une scène touchante, il éclate en sanglots en apercevant un arbre solitaire dans un champ, se comparant à cet arbre isolé : "Il est tout seul, comme moi, c’est sublime."
Dans un contexte où nombre de documentaires sur des célébrités sont édulcorés, Vincent Lindon choisit de révéler ses failles, ses défauts, et ses obsessions, y compris son maniaque besoin de vitesse. "J’ai décidé que je n’avais pas le temps. Je fais tout vite. (…) Même pipi. Je n’attends pas la dernière goutte, hop, je remballe tout ça. Il faut que ça aille vite."
Une Âme Tourmentée en Quête d’Amour
Avec son téléphone, Vincent Lindon capture régulièrement des vidéos et enregistre des réflexions, tel un journal intime, qu’il partage parfois avec ses proches. Ce matériau, s’élevant à 150 heures, a été fourni aux réalisateurs qui l’ont combiné avec des séquences visuellement soignées où l’acteur se dévoile avec une honnêteté désarmante.
Ce portrait met en lumière une personnalité tourmentée, toujours en quête insatisfaite, rongée par une angoisse profonde. Il apparaît comme quelqu’un de constamment tiraillé par une faim d’affection non assouvie depuis l’enfance. Ayant vécu le divorce de ses parents à l’âge de cinq ans, le manque d’affection est une plaie béante que l’un de ses médecins résume dans une lettre retrouvée dans ses archives : Vincent "n’a pas eu son compte affectif."
Tendu, nerveux, "bourré de tics", il admet : "J’ai senti quand j’étais petit que j’étais une déception pour mes parents." Depuis, il s’efforce inlassablement d’obtenir leur reconnaissance. Ainsi, même lorsqu’il fut récompensé à Cannes en 2015 en recevant le prix d’interprétation masculine pour La Loi du marché de Stéphane Brizé, il ne put s’empêcher de penser : "J’ai fait tout ça pour qu’ils me voient, et ils ne sont pas là."
La Révélation d’un « Monstre »
"Puisque personne ne m’aimait comme il faut, parfois, je me dis : mais je n’aime personne, en fait, même pas moi. Je suis un monstre," avoue-t-il face à la caméra. Un monstre du cinéma français, sans doute, qui, on le devine, est assez lassé de parler de son métier d’acteur. Pourtant, il parvient à l’évoquer indirectement de façon subtile : "Est-ce que je fais ce métier pour être d’autres gens ? Pour échapper à ce monstre tentaculaire que je suis et que même moi, je suis soulagé de voir partir, de temps en temps ?"
Il y a dans cette confession publique, sans artifice, une audace remarquable, un courage qui force l’admiration. Cette autoanalyse, crue et souvent touchante, ressemble à une consultation avec un psychologue ou une confession. Cependant, l’on discerne l’énorme ego qui persiste en arrière-plan. Un ego qui envisage déjà l’avenir. Pour son dernier adieu, Vincent Lindon a rédigé pas moins de 155 versions de son testament et a déjà choisi les musiques funèbres. "C’est intolérable d’avoir à quitter cette terre", confie-t-il, souhaitant que "les gens soient très très très tristes quand je vais mourir."
"Vincent Lindon, Cœur sanglant" de Thierry Demaizière et Alban Teurlai (1h25) est disponible sur Arte.tv et sera diffusé sur Arte, mercredi 5 février 2025, à 22h35