Les positions rigides et les conceptions fortement traditionnelles défendues par le ministre de l’Intérieur attirent une partie des électeurs du Rassemblement national. Cette adhésion à ses idées est telle que certains d’entre eux envisagent sérieusement de lui apporter leur soutien lors de l’élection de 2027, si jamais il décidait de se porter candidat.
Avec ses positions bien ancrées à droite, Bruno Retailleau est-il en mesure de rivaliser avec Marine Le Pen ? D’après les données récentes du baromètre Elabe consultées par les Echos, 35 % des citoyens français perçoivent favorablement le ministre de l’Intérieur actuel. Candidat pour diriger le parti Les Républicains, Bruno Retailleau se décrit lui-même comme étant « l’obsession du Rassemblement national« .
À Menton, le nom du ministre de l’Intérieur suscite des réactions passionnées parmi la population. Pourtant, lors des dernières élections législatives, la quatrième circonscription des Alpes-Maritimes a élu dès le premier tour une députée du Rassemblement National.
« Nous sommes entièrement derrière lui »
Menton figure parmi les principales portes d’entrée de l’immigration irrégulière en France. Face à la mer Méditerranée, Dominique refait le monde avec sa cousine. Lorsque l’on aborde le sujet de Bruno Retailleau, elle devient très animée. Cette retraitée, d’origine pied-noir, choisit pourtant depuis longtemps le bulletin du Rassemblement national.
« Il est formidable ! Mon mari l’apprécie beaucoup, et moi aussi. »
Dominique, retraitée pied-noir à Mentonà 42mag.fr
Dominique est attirée par le dynamisme du ministre de l’Intérieur, notamment en ce qui concerne ses initiatives face à l’Algérie et les expulsions de sans-papiers. « Ce qu’il propose me plaît« , affirme-t-elle, « Il essaie de faire bouger les choses, bien que cela ne doive pas être simple pour lui. Je suis née en Algérie française et ici, je trouve qu’il y a davantage d’Arabes qu’à l’époque où je vivais là-bas.«
Si Bruno Retailleau choisit de se présenter à l’élection présidentielle, Dominique envisage de le soutenir, à condition de vérifier les personnes qu’il choisira pour l’accompagner. « Nous le soutenons totalement s’il continue dans cette voie« , ajoute-t-elle.
« Il accomplit le travail »
Aux halles de la Pescaria, entre deux achats au marché, plusieurs habitants de Menton admettent leur intérêt pour Bruno Retailleau. « Moi, je l’apprécie beaucoup, mais comme le dit Marine Le Pen, il y a un écart entre les mots et les actions« , tempère un résidant. Un autre se montre plus direct : « Lui, il accomplit le travail. Avec Darmanin, ils tiennent bon la maison« .
Bien que ces électeurs du Rassemblement national apprécient Bruno Retailleau, ils restent dubitatifs quant à ses chances de succès. Avant de viser l’élection présidentielle, il doit d’abord rallier sa propre formation politique.
Du côté du Rassemblement national, la popularité de Retailleau parmi les électeurs d’extrême droite ne suscite pas de crainte. « Aujourd’hui, monsieur Retailleau parle beaucoup, multiplie les communications. Mais les Français verront vite que dans les faits, peu est fait contre l’immigration« , affirme Alexandra Masson, députée RN des Alpes-Maritimes.
Rester au sein du gouvernement ou viser la présidentielle
À Menton, un élu a déjà choisi de soutenir Bruno Retailleau sans attendre des actions concrètes. Dominique Nikolaï, conseiller municipal, avait d’abord soutenu Eric Ciotti dans son rapprochement avec le RN, mais est récemment revenu vers sa famille politique d’origine : Les Républicains. « Bruno Retailleau, pour moi, va redonner un nouvel élan à LR. Je rappelle que LR est un parti gaulliste« , affirme l’élu.
[Bruno Retailleau] pourrait incarner une droite puissante, affirmée, portant l’autorité de l’État et encourageant la liberté d’entreprendre.
Dominique Nikolaï, conseiller municipal à Mentonà 42mag.fr
« Il a cette ouverture sur la droite libérale que je ne retrouve pas dans le Rassemblement national« , ajoute Dominique Nikolaï. Malgré tout, ce changement de position de l’élu reste isolé et ne devrait pas provoquer d’effet boule de neige, selon Jean-Yves Camus, directeur de l’Observatoire des radicalités politiques à la fondation Jean-Jaurès. « Ce phénomène peut se produire chez des élus ayant opté pour Ciotti et réalisant que l’UDR risque de rester un parti secondaire, servant uniquement à mettre en valeur Marine Le Pen« , observe-t-il.
Si Bruno Retailleau souhaite se présenter à l’élection présidentielle de 2027, pour qu’il « puisse contrer Marine Le Pen, il devra tôt ou tard poser des actes clairs, notamment sur la sécurité et l’immigration, bien qu’il n’ait pas toutes les cartes en main« , estime Jean-Yves Camus. En somme, Retailleau n’aura une chance de nuire à Marine Le Pen que s’il parvient à quitter son poste actuel suffisamment tôt.